Norvège : Les "stavkirke", églises en "bois debout", et secondairement bien d'autres aspects de ce magnifique pays et de sa culture...
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Techniques de charpenterie de marine des Normands du XIème siècle :
La tapisserie - en fait broderie- de Bayeux, réalisée au XIème siècle, inscrite au Registre Mémoire du Monde de l'UNESCO, est un extraordinaire document
historique qui relate la préparation et le début de la conquête de l'Angleterre par Guillaume le Conquérant, le plus célèbre des ducs de Normandie, se
terminant par la bataille d'Hastings en 1066. On y voit en particulier des scènes de construction de navires :
"Les arbres coupés, on équarrit des planches et on met à l’eau les bateaux prêts pour l’invasion de l’Angleterre. On abat les
arbres avec une hache à long manche. On obtenait des planches en les aplanissant avec des cognées en T à manche coudé. La largeur
du fer permet un long planage de la planche. Le charpentier pose le bout de la planche à dégrossir dans une fente au sommet du tronc
d’un arbre ce qui lui facilite le travail.
Une hachette d’aplanissage en forme de T est utilisée par un homme du bateau du haut. Un autre homme dans le même bateau du haut
manie une tarière que l’on presse avec la poitrine et qui est munie d’une mèche. L’homme à gauche dans le bateau de dessous utilise un
marteau : dans ces scènes il ne se trouve pas de doloires (cognées servant à aplanir une pièce de bois)
Les deux ouvriers dans le bateau du bas portent de longues barbes pour rappeler leur âge et l’expérience exigée d’un charpentier de navire."
Source , permettant la visite virtuelle complète bien commentée de toute la tapisserie :
http://kerdonis.fr/ZTAPISSERIE/page33a.html
La visite virtuelle de la tapisserie de Bayeux ne procure cependant pas l'émotion de la visite réelle. Le site officiel :
http://www.bayeuxmuseum.com/la_tapisserie_de_bayeux.html
J'aime particulièrement la représentation des yeux et du visage de ce charpentier, montrant la concentration et la précision dans le travail
de taille d'une planche avec la hache en T à manche coudé :
Le type de navire réalisé, bien connu :
Il fallait effectivement que la taille des planches fût précise... et sans aucun type de scie !
Du tronc d'arbre à la planche, méthode Viking :
Etapes de construction d'un langskip Viking :
Une mine d'informations sur les Vikings et leurs bateaux, en anglais :
La hache en T à manche coudé, de 18'12" à 18'32" dans la vidéo ci-dessus, qui contient des
informations utiles pour la suite de notre sujet. Je les traduirai dès que possible. Voici cependant
un texte de qualité en français sur les navires vikings, sur le site de l'association Dreknor :
http://www.dreknor.fr/spip.php?article68
Ce passage est particulièrement importants pour nous Français :
"Certains navires sont ornés à la proue d'une tête de dragon , dreki. Par extension certains
chroniqueurs les ont appelés des drekars. L'origine du mot drakkar, barbarisme et solécisme, n'a
jamais été trouvée, si ce n'est que ce mot doit certainement remonter à l'époque romantique."
Dès qu'on se penche un peu sur les Vikings et leurs navires, on s'aperçoit vite qu'il faut éviter
d'employer le mot drakkar... Un barbarisme et un solécisme, quelle horreur linguistique ! Je suis
profondément choqué. Je dois interrompre momentanément mes contributions....
Barbarisme : "Faute de langage consistant à employer un mot qui n'existe pas ou à déformer un
mot; mot ainsi employé." Larousse 2014
Solécisme : "construction syntaxique s'écartant de la forme grammaticale admise."
Larousse 2014.
Le mot "drakkar" n'existe pas en anglais. Collins English Dictionnary 1989. Dans le troisième
documentaire ci-dessus, ils emploient globalement Viking ships. Si on veut détailler les
navires, mieux vaut employer directement les mots scandinaves knörr pour le navire de
commerce, le gros porteur, et langskip pour le long navire rapide de guerre.
Donc on oublie "drakkar" mais pas les dragons. Nous allons y revenir dès le prochain post, car on les
retrouve sur les stavkirke.
En attendant, voici le sympathique dragon de proue du Dreknor :
J'ai envie d'en mettre un à l'entrée de notre maison, avec la mention "Dragon gentil"...
Dernière édition par Northman le Sam 30 Jan 2016 - 13:39, édité 6 fois
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Les dragons de toiture de Borgund :
Ces photos ont été prises lors de notre visite du 17 juillet 2008.
Dernière édition par Northman le Sam 30 Jan 2016 - 13:40, édité 1 fois
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Re: Norvège : Les "stavkirke", églises en "bois debout", et secondairement bien d'autres aspects de ce magnifique pays et de sa culture...
S.U.P.E.R.B.E!!
(et tout depuis le début, d'ailleurs)
(et tout depuis le début, d'ailleurs)
Re: Norvège : Les "stavkirke", églises en "bois debout", et secondairement bien d'autres aspects de ce magnifique pays et de sa culture...
alainAdmin a écrit: S.U.P.E.R.B.E!!
Oui, nous avons eu exactement la même réaction en découvrant l'église de Borgund, puis celle d'Urnes, en juillet 2008 !
alainAdmin a écrit: (et tout depuis le début, d'ailleurs)
Merci Alain. Là je mets (encore plus) les
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Re: Norvège : Les "stavkirke", églises en "bois debout", et secondairement bien d'autres aspects de ce magnifique pays et de sa culture...
Northman a écrit:
Les dragons de toiture de Borgund :
Me font irrésistiblement penser à ces pignons de toit de l'architecture Thaï, eux aussi en forme de dragons...
Dragons, toits de temples thaïlandais et gargouilles
Jean-Yves Amir a écrit:
Les dragons de toiture de Borgund... Me font irrésistiblement penser à ces pignons de toit de l'architecture Thaï, eux aussi en forme de dragons...
Ces toitures couvrent elles des bâtiments à vocation particulière ? C'est important de le savoir.
Je vois aussi quelque chose de commun entre ces dragons et les monstres des gargouilles de nos églises de pierre :
Nous allons creuser tout ça ...
Dernière édition par Northman le Dim 31 Jan 2016 - 14:33, édité 3 fois
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Dragons
Tels des repoussoirs, tels les poils hérissés d'un animal qui se défend, prêt à bondir, les dragons de Borgund sont orientés
en rupture angulaire (en rouge ci-dessous) avec l'harmonie générale des pentes des cascades de toitures ( en bleu ci-dessous),
quand on va de l'intérieur vers l'extérieur de l'église. Cela donne déjà un puissant effet :
De même, l'orientation des gargouilles est en rupture angulaire avec les lignes générales verticales des églises de pierre.
Elles crachent l'eau issue des toitures, mais sont aussi, symboliquement, des repoussoirs :
Dans les deux cas, ce sont des monstres "convertis" pour la défense de ces lieux de rassemblement spirituel et/ou de
prière intime. Jean-Yves, ces bâtiments Thaï sont ils des temples bouddhistes ?
Au Mont-Saint-Michel, tout comme au sommet de la flèche, l'Archange terrasse de dragon.
Statue de l'église paroissiale du Mont :
Ce qui renvoie clairement au combat décrit dans l'Apocalypse de Saint-Jean, chapitre 12, versets 7 à 9 :
Alors une bataille s'engagea dans le ciel. Michel et ses anges combattirent le dragon, et celui-ci se battit contre
eux avec ses anges. Mais le dragon fut vaincu, et ses anges et lui n'eurent plus la possibilité de rester dans le ciel.
L'énorme dragon fut jeté dehors. C'est lui le serpent ancien, appelé le diable ou Satan, qui trompe le monde entier.
Il fut jeté sur la terre, et ses anges avec lui.
Source : Traduction Œcuménique de la Bible (TOB).
Le Saint-Michel de Delacroix :
Très clairement dans le christianisme le dragon représente les forces du Mal. Il est donc intéressant de voir ces dragons
"retournés"* placés en défenseurs de l'église de Borgund. Cela nous pousse donc aussi à explorer le symbolisme du dragon,
souvent placé à la proue des navires, dans la mythologie viking ... Et le rapport entre le christianisme et les traditions
religieuses ancestrales des Vikings à l'époque de l'implantation des premières stavkirke, donc au XIème siècle, la première
génération de stavkirke ayant disparu à cause du pourrissement des pieds de stav plantés directement dans le sol..
* L'étymologie de "conversion" est précisément "retournement"... comme avec les skis.
Dernière édition par Northman le Dim 29 Jan 2017 - 21:20, édité 6 fois
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Re: Norvège : Les "stavkirke", églises en "bois debout", et secondairement bien d'autres aspects de ce magnifique pays et de sa culture...
Northman a écrit:
Jean-Yves, ces bâtiments Thaï sont ils des temples bouddhistes ?
Mais je n'en sais rien!!!!
Temple bouddhiste thaïlandais
Jean-Yves Amir a écrit:Northman a écrit:
Jean-Yves, ces bâtiments Thaï sont ils des temples bouddhistes ?
Mais je n'en sais rien!!!!
Tiens, j'ai trouvé cette image d'un grand temple bouddhiste de Thaïlande :
Dernière édition par Northman le Sam 30 Jan 2016 - 15:24, édité 1 fois
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Re: Norvège : Les "stavkirke", églises en "bois debout", et secondairement bien d'autres aspects de ce magnifique pays et de sa culture...
Northman a écrit:Tiens, j'ai trouvé cette image d'un grand temple bouddhiste de Thaïlande :Jean-Yves Amir a écrit:Mais je n'en sais rien!!!!Northman a écrit:
Jean-Yves, ces bâtiments Thaï sont ils des temples bouddhistes ?
J'ai été interrompu par un coup de fil... Je voulais ajouter que je pensais que oui.
(C'est assez bizarre, quand tu cherches des images d'architecture thaïlandaise, tu tombes toujours sur les mêmes sites avec des images protégées (des trucs en filigrane).)
Tournée des toitures des stavkirke norvégiennes à la recherche d'autres dragons
La carte pour mémoire :
Gol :
Heddal : Dragons plus petits, des croix tout en haut. Ces petits dragons ont l'air plus teigneux.
Attention, la taille peut être trompeuse :
Høyjord : Dragons vraiment très abstraits :
Eidsborg :
Des lancettes qui pointent à la verticale :
Il faut en voir une de plus près :
Røldal, des croix, point de dragons :
Flesberg, aucune ornementation des hauts de pignons :
Rollag, idem. Mais on voit très bien le sous-bassement en pierres :
Nore, comme Eidsborg, des lancettes :
Uvdal, lancettes et sous-bassement en pierres bien visible :
Hedal, des croix :
Torpo, rien :
Reinli, des croix :
Hopperstad, magnifique ! Des dragons :
Undredal, mini-stavkirke déjà visitée. Pas d'ornementation des sommets de pignons :
Kaupanger, pas d'ornementation des hauts de pignons, mais quatre petites flèches ( fléchettes ?)
encadrant la flèche principale :
Urnes, je vous la réserve pour la suite. C'est la seule qui soit actuellement classée au
Patrimoine Mondial de l'Unesco...
Øye n'a pas ou n'a plus de clocher. Rien sur les sommets de pignons, sauf une croix sur
une des entrées :
Høre, rien au sommet des pignons, sous-bassement de pierres bien visible :
Lomen, deux modestes croix :
Hegge, rien aux sommets des pignons :
Garmo, petite, belle, avec dragons :
Ringebu, juste de petites boules aux sommets des pignons :
Lom, dragons :
Rødven, pas de dragons, contrebutée. De toute évidence, couverture pas d'origine :
Kvernes, idem :
Grip, petite, pas de dragons. Couverture pas d'origine :
Haltdalen, petite, sans clocher, sans dragons, mais intéressante :
Cette tournée nous aura aussi permis de voir toutes ces églises de l'extérieur, et de constater
leur diversité. Avant de revenir aux têtes de dragons des sommets de pignons, je vous emmène
visiter la stavkirke d'Urnes, donc la seule classée au Patrimoine Mondial de l'Unesco.
Dernière édition par Northman le Sam 30 Jan 2016 - 15:28, édité 3 fois
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Stavkirke d'Urnes, Patrimoine Mondial de l'Unesco
Elle est située au bord du Lustrafjord, branche du Sognefjord :
Nous l'avons visitée le 21 juillet 2008. Pour s'y rendre, il faut prendre un petit bac au départ de Solvorn :
Mieux vaut faire la traversée en passager piéton, c'est nettement moins onéreux, et il n'y a qu'une petite vingtaine de
minutes de marche pour monter jusqu'à l'église d'Urnes :
La stavkirke est orientée est-sud-est :
Borgund est en fait orientée ouest-nord-ouest, à l'opposé de ce qu'on observe le plus souvent.
Sur la route qui monte à l'église d'Urnes, ceci :
Nous l'avons vu plusieurs fois lors de ces vacances : Une confiance totale. Vous vous servez en cerises ou framboises, vous
mettez votre argent dans la caisse, vous y prenez votre monnaie. Le vendeur n'est pas là ! Ca fait partie de ce que j'aime
beaucoup dans ce pays...
Dernière édition par Northman le Sam 30 Jan 2016 - 15:29, édité 2 fois
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Stavkirke d'Urnes, Patrimoine Mondial de l'Unesco
Au premier abord, et surtout quand on a vu Borgund avant, on se demande pourquoi c'est Urnes qui est classée au
Patrimoine Mondial de l'Unesco :
Dernière édition par Northman le Sam 30 Jan 2016 - 15:30, édité 1 fois
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Stavkirke d'Urnes, Patrimoine Mondial de l'Unesco
Les dragons ne sont pas sur les toits. C'est sur sa façade nord que se trouve le grand trésor artistique de cette
stavkirke .
Sublimes sculptures sur bois. Influence Viking évidente. Plus de 800 ans, voire plus, quelle émotion...
Dernière édition par Northman le Sam 30 Jan 2016 - 15:31, édité 2 fois
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Re: Norvège : Les "stavkirke", églises en "bois debout", et secondairement bien d'autres aspects de ce magnifique pays et de sa culture...
taaadaaa!!!
tout à coup j'ai eu l'idée de chercher
"stavkirke 3d"
et d'abord je trouve ceci:
https://www.youtube.com/watch?v=569s8Gvk5Nw
tout à coup j'ai eu l'idée de chercher
"stavkirke 3d"
et d'abord je trouve ceci:
https://www.youtube.com/watch?v=569s8Gvk5Nw
Re: Norvège : Les "stavkirke", églises en "bois debout", et secondairement bien d'autres aspects de ce magnifique pays et de sa culture...
alainAdmin a écrit:taaadaaa!!! tout à coup j'ai eu l'idée de chercher
"stavkirke 3d"
Super !
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Urnes vue par l'Unesco
"Valeur universelle exceptionnelle
Brève synthèse
La « stavkirke » (église à piliers de bois, église sur pieux) d’Urnes est située sur un promontoire dans le remarquable Sognefjord, sur la côte occidentale de la Norvège. Les « stavkirke » constituent l’un des types les plus élaborés et les plus technologiquement avancés de construction en bois qu’ait connu le Nord-Ouest de l’Europe au Moyen Âge. Les églises étaient construites sur le plan basilical classique mais entièrement en bois. L’ossature de la charpente était doublée de planches et le toit était recouvert de bardeaux conformément aux techniques de construction répandues à l’époque dans les pays scandinaves. On a répertorié environ 1300 églises médiévales, dont, à ce jour, 28 ont été sauvegardées en Norvège. Certaines d’entre elles sont très grandes, telles que les églises de Borgund, d’Hopperstad et de Heddal, alors que d’autres comme que celles de Torpo ou d’Underdal sont plus petites.
Urnes est l’une des plus anciennes et constitue un exemple exceptionnel des « stavkirke ». L’église exprime à travers le bois le langage et les structures spatiales de l’architecture romane en pierre, caractérisée par le recours à des arcs de cintre plein et des colonnes cylindriques coiffées de chapiteaux cubiques. Le bois et les décors sculptés, de très grande qualité, sur les parties extérieures de l’église intègrent les panneaux et éléments à entrelacs de tradition viking présents sur le précédent bâtiment (XIe siècle) qui sont à l’origine du « style d’Urnes » que l’on trouve également dans d’autres parties de la Scandinavie et du Nord-Ouest de l’Europe. Ces sculptures peuvent être observées sur le mur nord avec une décoration sculptée représentant un entrelacs d’animaux au combat. De semblables sculptures recouvrent le pignon ouest de la nef et le pignon est du chœur. À l’intérieur de l’église, on trouve une extraordinaire série de chapiteaux sculptés de motifs figuratifs datant du XIIe siècle. Les sculptures sont importantes à deux titres, à la fois en tant qu’ œuvre artistique exceptionnelle mais également en tant que lien entre la culture nordique préchrétienne et le christianisme de l’époque médiévale. L’église rassemble également une riche collection d’objets liturgiques du Moyen Âge.
Critère (i) : La « stavkirke » d’Urnes est un exemple exceptionnel de l’architecture scandinave traditionnelle en bois. En un même lieu, s’y associent des caractéristiques de l’art celtique, des traditions vikings et des structures spatiales romanes. L’exceptionnelle qualité des décors sculptés de l’église d’Urnes est une réalisation artistique unique.
Critère (iii) : La « stavkirke » d’Urnes est un bâtiment ancien en bois et est exceptionnel par la réutilisation à grande échelle des éléments tant décoratifs que de construction d’une autre « stavkirke » construite un siècle plus tôt. Il s’agit là d’un exemple exceptionnel de l’utilisation du bois pour exprimer le langage de l’architecture romane en pierre.
Intégrité
Le bien du patrimoine mondial est composé de la « stavkirke » en elle-même, entourée d’un cimetière médiéval ceint d’un mur de pierre. Puisque tous les éléments constitutifs d’un bâtiment construit sur pieux et d’une église sont conservés, l’intégrité du site est pleinement présente. L’église et le cimetière sont toujours utilisés. Tous les objets liturgiques sont présents, nombre d’entre eux sont très anciens, datant même de l’époque médiévale. En tant que bâtiment représentatif de la technique de construction « sur pieux », toutes les caractéristiques de cette technique se trouvent réunies dans cette église. Par ailleurs, avec les vestiges réutilisés et les éléments excavés d’un ancien bâtiment édifié avec des pieux creusés dans le sol, Urnes avec son cadre fait de seuils reposant sur des fondations en pierre est un témoignage du développement achevé de la technique de construction « sur pieux ». Le décor extérieur de l’ancienne église est remarquablement bien préservé après presque mille ans d’exposition et de dégradation par les conditions atmosphériques.
La vulnérabilité de l’église est principalement liée aux risques d’incendie et à la pression exercée par une activité touristique excessive. Les changements climatiques, tels que des précipitations accrues, auront également des impacts négatifs sur le bâtiment en bois s’il n’en est pas tenu compte dans les meilleurs délais.
Authenticité
Au cours des siècles, des interventions ont eu lieu pour des raisons pratiques et afin d’adapter le bâtiment aux besoins liés aux pratiques religieuses. Ces interventions sont bien visibles et constituent ainsi un témoignage authentique sur la vie sociale et les pratiques religieuses. À l’intérieur du bâtiment, deux des 16 pieux ont été coupés au Moyen Âge afin de laisser plus d’espace à un autel latéral qui fut retiré plus tard. Le mobilier médiéval de la « stavkirke » d’Urnes comprend un calvaire en bois qui ouvre sur le chœur, deux chandeliers d’autel en bronze émaillé de Limoges et une chaise entièrement faite en bois tourné. Au cours du XVIIe siècle, quelques interventions ont eu lieu tant sur la construction que sur le mobilier. Le retable et la chaire de l’église, la galerie, les bancs d’église et les bancs fermés, le jubé et la voute en bois ont été ajoutés vers 1700. Le chœur a été agrandi à l’Est vers 1600, également au moyen de la technique de construction « sur pieux ». Les murs y ont été recouverts de peintures représentant des volutes, des motifs architecturaux et des apôtres, tous ces éléments sont datés de 1601. Un clocher en forme de tourelle été construit. Le nom de Støpulhaugen donné à la colline située juste au-delà du mur de pierres indique que, dans les premiers temps, la cloche se trouvait dans un édifice séparé de l’église.
La « stavkirke » d’Urnes a fait l’objet d’un excellent travail de conservation en tant qu’ensemble homogène. Les embellissements du XVIIe siècle (en 1601 et aux environs de 1700) et les restaurations de 1906-1910 ont pleinement sauvegardé son authenticité. C’est également le cas pour la restauration des fondations (2009-2010).
Éléments requis en matière de protection et de gestion
Le bien du patrimoine mondial est protégé par la Loi sur le patrimoine culturel norvégien. L’État partie en a la responsabilité globale et les autorités du comté assurent la responsabilité de la gestion du bien au niveau régional. Le propriétaire, la Société pour la sauvegarde des monuments anciens, a établi un plan général pour la gestion et la conservation du bien. Un groupe de coopération pour le bien du patrimoine mondial a été créé en 1998, il regroupe des représentants de tous les niveaux administratifs et des parties prenantes.
L’église n’est plus une église paroissiale. Elle a cependant une valeur symbolique essentielle pour la communauté et est toujours utilisée pour des baptêmes et des mariages. Le cimetière médiéval n’est plus utilisé que par quelques familles locales.
En 2010, un vaste programme de restauration mené par la Direction du patrimoine culturel s’est achevé et l’église est désormais en bon état de conservation. Un système élaboré de protection contre les incendies, avec un système d’extinction et de suivi, a été installé. En raison de l’isolement de l’église, la fréquentation touristique du site reste faible. Bien que les installations destinées à l’accueil de touristes soient réduites au minimum, elles sont conçues avec soin. Toute nouvelle activité fait l’objet d’un contrôle par le groupe de coopération et sera soumise aux procédures mises en place par l’autorité en charge. "
Source: Le site de l'UNESCO :
http://whc.unesco.org/fr/list/58
Dernière édition par Northman le Sam 30 Jan 2016 - 15:32, édité 2 fois
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Le bateau viking d'Oseberg, daté 815-820, donc début IXe siècle
Dernière édition par Northman le Sam 30 Jan 2016 - 15:33, édité 5 fois
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Sculptures d'Urnes et du navire viking d'Oseberg
Détail du panneau nord d'Urnes (XIe siècle) :
Détail des sculptures de proue du navire viking d'Oseberg (début IXe siècle) :
Dernière édition par Northman le Lun 15 Fév 2016 - 13:27, édité 2 fois
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Du bon usage des serpents et des dragons
Cette musique semble appropriée pour lire la suite du post qui creuse la signification des scènes de combat ci-dessus, sur le navire d'Oseberg et le portail nord d'Urnes. Vous pouvez la mettre en fond sonore :
"Le portail nord du XIe siècle de la Stavkirke d'Urnes a été interprété comme comportant des scènes de serpents et de dragons qui représentent le Ragnarök."
Référence : https://fr.wikipedia.org/wiki/Ragnar%C3%B6k
Sur ce site intéressant , http://jalladeauj.fr/claveyrolasstavk/styled-6/index.html j'ai bien aimé ce texte :
" DU BON USAGE DES SERPENTS ET DES DRAGONS :
Pour soutenir ses légions, Rome formait des troupes auxiliaires: des « barbares » (ceux qui habitaient hors des frontières de l'Empire) combattaient, avec leurs armes et leur compétence propres, d'autres barbares. On peut penser que dragons et serpents des mythologies scandinaves ont été ainsi recrutés pour protéger l'église contre leurs congénères demeurés hostiles à la nouvelle religion. Dotés d'une fonction apotropaïque, mais n'ayant pas renoncé à leur cruauté originelle, les dragons et les serpents des légendes nordiques interdisaient l'entrée dans l'espace sacré aux forces ancestrales et mauvaises qui tentaient de reprendre le dessus.
En prolongeant les études de Bugge, Peter Anker propose une autre interprétation. Sur les portails en bois figurerait une représentation simplifiée du Agnarrok (ou Ragnarök), ce combat des dieux et des géants aboutissant à une destruction du monde actuel, annoncé dans des textes comme la Voluspa ou l'Edda.
« L'Edda de Snorre donne lui aussi une version de la prophétie du Ragnarrok. D'après lui, un terrible hiver de trois ans précédera les événements servant de prélude au désastre final. Ensuite d'après Voluspa, vient sur le monde un temps de guerre et d'anarchie :
« Temps des haches, temps des épées
Les boucliers sont fendus
Temps des épées, temps des loups
Avant la chute de la Terre ... »
Les géants livrent alors une grande attaque contre les dieux, qui combattent sous le commandement d'Odin. Le chien Garm aboie aux portes de l'enfer, le serpent Midgard qui a ceinturé le monde brise ses chaînes et fait écumer les océans de ses coups de fouet, le bateau Nagelfar, construit par les morts avec leurs ongles, a pour équipage les terribles géants et détache ses amarres, puis il approche des dieux. Les nains hurlent de peur, le dieu Heimdall fait sonner sa trompe Gjallahorn que l'on entend dans le monde entier et la lutte finale entre les dieux et les géants, entre les forces du bien et celles du mal, commence. Odin combat avec le loup féroce Fenris, dont la gueule ouverte va de la terre au ciel, et il est tué mais son fils Vidar le venge. Thor tue le serpent Midgard mais il est lui-même empoisonné par son venin. Les dieux et les géants s'exterminent alors mutuellement dans un terrible massacre, l'arbre du monde Yggdrasil se fend de haut en bas, les rochers s'écroulent, le ciel est fendu en deux, le soleil devient noir et la terre s'enfonce dans l'océan, les étoiles disparaissent et le géant Surt enflamme le ciel de son feu. Enfin la Sibylle dans une vision entrevoit la naissance d'un nouveau monde, éternellement vert, surgissant sur les ruines de l'ancien. A nouveau « les aigles volent – attrapant les saumons dans les montagnes… » Le nouveau monde est délivré de tout mal, une nouvelle espèce de dieu naît, et une nouvelle famille d’êtres humains délivrés du péché et de la faute. Alors, « le Puissant arrive (…) le Fort, qui gouverne l’Univers » » (Peter Anker, op. cit., pp. 38-39).
Ce récit eschatologique date de la fin de l'ère viking, mais, comme on le voit, il a été mêlé très tôt à des thèmes chrétiens. Même réduit à des monstres s'égorgeant les uns les autres, ce bestiaire devait être plus immédiatement « parlant » aux XIe et XIIe siècles pour les populations rurales norvégiennes que des images provenant de l'Apocalypse de saint Jean. Ce n'est qu'aux siècles suivants, lorsque le christianisme s'est plus profondément implanté, qu'est apparue, dans les peintures sur bois notamment, une iconographie spécifiquement chrétienne.
Cependant, il faut remarquer que serpents et dragons sont prisonniers de réseaux très serrés de rameaux de vigne. « Je suis la vigne véritable et mon Père est le vigneron » (Jn, XV, 1).. Le thème de la vigne et de la vendange se rencontre également dans l'Apocalypse (XIV, 18-19). Les forces maléfiques sont maintenues hors d'état de nuire dans les pampres divins.
Il se pourrait que la « Grande Bête » du portail Nord d'Urnes soit le Lion de Juda, vainqueur du Mal et digne d'ouvrir le livre du destin du monde (Apoc. V, 5). Plus tard, la Vigne s'est substituée au Lion.
Selon Bugge, suivi par Anker, les combats mortels des monstres seraient une représentation symbolique de l'échec des êtres des anciennes croyances: incapables de vaincre le christianisme, elles se sont retournées les unes contre les autres dans un affrontement suicidaire, semblable au combat final des géants et des dieux de la prophétie de la Voluspa.
Convertis au christianisme, les Norvégiens n'ont pas cessé pour autant de croire aux dieux du temps des vikings: réduits au rang de forces du Mal, ils n'en existent pas moins. Lui-même récemment converti, le clergé local favorisa l'identification du Ragnarrok à la victoire du christianisme, et n'hésita pas à en promouvoir les représentations sur les portails des stavkirker. « Ce n'est certainement pas un fait plus étonnant que celui d'élever des églises de bois en quantité à une époque ou la règle canonique demandait que les églises soient construites en pierre » (Peter Anker, op. cit., p. 449).
Nous en sommes réduits aux hypothèses, mais une chose est certaine: il serait de toute façon impensable que l'église ait été ornée, extérieurement et intérieurement, de représentations dont la signification aurait été purement païenne."
On retrouve notre thème des dragons de toitures "convertis" pour défendre, tels des repoussoirs, les stavkirke qu'ils ornent. La scène du navire d'Oseberg (815-820) est antérieure à la christianisation de la Norvège : Pas de rameaux de vigne...
Dernière édition par Northman le Sam 30 Jan 2016 - 15:36, édité 3 fois
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Portail principal de la stavkirke de Borgund
Vue d'ensemble :
Agrandissement d'une scène de combat :
Cette scène est similaire à celle du panneau nord d'Urnes vu plus haut.
Le panneau nord d'Urnes est fort probablement issu du portail principal (ouest) de l'église primitive :
"Portal i nordveggen, opprinnelig vestportal i den eldre stavkirken på samme sted"
Source : https://no.m.wikipedia.org/wiki/Urnes_stavkirke
Lors de la reconstruction de l'église d'Urnes, au XIIe siècle, l'église primitive n'ayant pas tenu dans le temps à cause des
poteaux directement plantés dans le sol, on a placé les sculptures de l'ex-portail principal côté nord. Comment est orné le
portail principal de l'actuelle église d'Urnes bâtie au XIIe siècle ?
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Portail principal d'Urnes
Par comparaison avec le portail principal de Borgund, le portail ouest de la stavkirke d'Urnes est très sobre.
Mes photos ne le montrent pas très bien. J'en ai retrouvé une ancienne sur Internet :
On a donc choisi, lors de la reconstruction de l'église d'Urnes au XIIe siècle, de placer les ornements de l'ancien portail
du XIe siècle sur un panneau de la façade nord, et de réaliser un portail principal beaucoup plus sobre. Il peut y avoir
plusieurs raisons, et je n'ai rien trouvé pour le moment qui permette de trancher.
Dernière édition par Northman le Dim 29 Jan 2017 - 21:22, édité 2 fois
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Escapade en kayak sur le Nærøyfjord
Classé lui aussi au Patrimoine Mondial de l'Unesco, comme le Geirangerfjord. Nous l'avons entièrement parcouru en kayak,
en deux fois. C'est le plus étroit, le plus encaissé sur cette carte :
Ici le sculpteur est la nature. Vallée glaciaire en U envahie par la mer. La Norvège, c'est une sublime rencontre entre la
montagne et la mer. Ce fjord sauvage en est une des plus belles illustrations. Par temps couvert, c'est saisissant, presque
angoissant. " ... Et sous un ciel noir, les fjords peuvent exprimer l'âpre photogénie que ne saurait révéler un horizon sans
nuage." Bernard Pichon, "La Scandinavie grandeur nature", Editions Favre, 2011.
La dernière photo a été prise vers le nord au débouché du Nærøyfjord sur l'Aurlansfjord, dans la lumière tardive du soir...
Pas de véritable nuit ici à cette époque de l'année...
Dernière édition par Northman le Dim 29 Jan 2017 - 21:24, édité 6 fois
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... Puis sur le Geirangerfjord !
Nous avons récidivé en parcourant l'intégralité du Geirangerfjord, aller-retour, en kayak. Localisation
du Nærøyfjord en bas et du Geiranger fjord en haut, points bleus sur cette carte des Stavkirke :
Carte du Geirangerfjord :
De 11° de températures maximales sur le Nærøyfjord, dans un régime dépressionnaire à faible gradient de pression,
nous passions quelques jours plus tard sur le Geirangerfjord à 28° sous anticyclone, ce qui change tout :
Dernière édition par Northman le Sam 30 Jan 2016 - 15:41, édité 2 fois
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Norvège, petit voyage étymologique et géographique
Norvège, c'est Norge en bokmål, Noreg en nynorsk, nous l'avons vu. Racine étymologique commune, le vieux norrois Norðvegr. Norð - vegr , la route ou le chemin du Nord, que l'on retrouve dans l'anglais ou l'allemand contemporains avec Norway et Norwegen... et bien sûr le français Norvège. Le nom du pays n'est donc pas celui d'un lieu au sens statique, mais celui d'une route, d'un chemin, vers le Nord. Un nom qui invite au grand voyage, au-delà du cercle polaire arctique !
Le ð de Norð en vieux norrois intrigue. Comment se prononce cette lettre ? On a la réponse dans un livre de Jean Renaud, professeur à l'université de Caen, auteur d'un Dictionnaire des toponymes d'origine scandinave en Normandie, OREP éditions, 2009 :
C'est le fameux th sonore, comme celui de this en anglais. La prononciation de Norð en vieux norrois est donc plus proche de celle de l'anglais actuel North que de celle de l'actuel norvégien Nord :
http://no.thefreedictionary.com/Nord
On a déjà vu que l'islandais est la langue scandinave restée la plus proche du vieux norrois. En islandais contemporain, nord est norður. Ecoutez le ici, dans Norður Írland en cliquant sur triangle bleu :
http://fr.forvo.com/word/nor%C3%B0ur_%C3%ADrland/#is
Aussi ici dans Norður-Kórea :
http://fr.forvo.com/word/nor%C3%B0ur-k%C3%B3rea/#is
On retrouve donc notre ð. Les islandais l'ont conservé, les anglais aussi avec le fameux the, mais ce son n'existe plus en norvégien contemporain.
Nord est aussi nord en nynorsk :
http://www.nob-ordbok.uio.no/perl/ordbok.cgi?OPP=nord&ant_bokmaal=5&ant_nynorsk=5&nynorsk=+&ordbok=bokmaal
La carte de la Norvège évoque bien le "chemin du Nord" :
A bientôt pour la suite de ce post ...
Dernière édition par Northman le Sam 30 Jan 2016 - 15:42, édité 1 fois
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Re: Norvège : Les "stavkirke", églises en "bois debout", et secondairement bien d'autres aspects de ce magnifique pays et de sa culture...
Northman a écrit:
Superbe balade en kayak, Northman! Cela fait rêver et doit être un sacré souvenir pour toi!...
Mais attention, elle présente des risques J'ai entendu dire que dans certains fjords de Norvège, comme dans les lochs d'Ecosse, rodaient encore quelques dragons d'antan...
Faune des fjords
Jean-Yves Amir a écrit: Superbe balade en kayak, Northman! Cela fait rêver et doit être un sacré souvenir pour toi!... Mais attention, elle présente des risques J'ai entendu dire que dans certains fjords de Norvège, comme dans les lochs d'Ecosse, rodaient encore quelques dragons d'antan...
J'étais en longue pause au bord du Nærøyfjord, attendant la renverse du courant. Quand brusquement elle a surgi de la surface paisible de l'eau, s'est retournée en l'air pour plaquer l'eau sur son dos, dans un énorme vacarme, amplifié par l'encaissement du fjord. Une orque isolée ! La photo n'est pas terrible car j'ai dû dégainer rapidement et les réglages en ont pâti. Mais quand même, on la voit, avec son ventre blanc et sa nageoire pectorale droite qui pointe vers le haut :
Sur le Geirangerfjord, des marsouins, au souffle puissant :
Au départ d'Undredal vers le Nærøyfjord, partie aval, j'avais aussi été salué par un marsouin :
Oui Jean-Yves, ces sorties font partie des plus beaux jours de ma vie. Et je rêve de retourner en Norvège, cette fois très au nord du pays.
Dernière édition par Northman le Sam 30 Jan 2016 - 15:42, édité 1 fois
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Nord, septentrion, septentrional ...
Synonyme du nord, le septentrion, contrairement à son adjectif septentrional, est peu usité. Il vient des sept étoiles principales
de la constellation de la Grande Ourse qui permet de repérer l'étoile polaire. L'état le plus septentrional des USA, l'Alaska, a choisi
la Grande Ourse et la polaire pour son drapeau :
Le point le plus septentrional de l'Europe continentale n'est pas exactement le cap Nord :
C'est le Knivskjelodden, à l'ouest du Nordkapp. Nordkapphalvøya : La presqu'île du cap Nord. La a final est l'article féminin
postposé, øy est "île", halv seul est " moitié", comme half en anglais.
Dernière édition par Northman le Sam 30 Jan 2016 - 15:43, édité 2 fois
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Grands itinéraires nordiques
Si vous ne disposez que de de trois semaines ou un mois, et si vous y allez en voiture, mieux vaut vous concentrer
sur une seule partie de la Norvège. En effet les distances sont considérables, le pays étant très étalé en latitude, et
les vitesses moyennes sont faibles en voiture. Montagnes, contournements de nombreux fjords, nombreuses traversées
par bacs ou ferries. Le Routard, qui fait partie des guides qui nous ont bien rendu service, conseille de ne pas viser
plus de 300 kilomètres par jour.
Nous avions fait le choix de la Norvège de l'ouest, avec les plus beaux fjords, les plus belles stavkirke et Bergen. Le grand
nord du pays est un autre programme, et pour y accéder en arrivant par Copenhague, la route la plus rapide ne passe pas
par la grande longueur de la Norvège, qui pourtant est étymologiquement le chemin du Nord. Vous pouvez essayer par
exemple avec Google Earth :
Copenhague- Cap Nord :
2 385 km, 25H de route - donc sans les pauses-, passage par la Suède et une petite partie de la Finlande.
Si vous voulez passer par Oslo, c'est 29H de route, 2 574 km, et Google Earth vous rabat quand même
ensuite sur la Suède :
Même en imposant un passage par Trondheim, porte d'entrée du long couloir norvégien qui mène au nord du
pays, Google Earth vous rabat encore ensuite sur la suède. 32 heures de route, 2 728 km :
Trajet sans la Suède en imposant Oslo, Trondheim et Narvik. 35 heures, 2 735 km :
10H de route plus pour 350 km de plus que dans le trajet le plus rapide par la Suède et une petite partie de la Finlande.
On rejoint bien les préconisations du Routard... Le problème ensuite, si vous visez le grand Nord et que vous optez pour
le passage par la Suède, c'est le choix des étapes : Dommage de passer par Stockholm sans visiter cette belle capitale.
Ne pas passer à côté de quelque chose d'important, au sens littéral de l'expression... Oui mais si vous visitez Stockholm
combien de temps y passer ? Et chaque fois se pose la question du temps total de vacances.
Au final, mieux vaut prévoir le plus de temps possible afin de "rentabiliser" tous ces kilomètres et de ne jamais regretter
ensuite de n'avoir pas profité de l'occasion pour visiter Copenhague, Stockholm ... Equilibrer aussi les visites de villes et
le grandiose bain de nature norvégienne... Tromsø à visiter aussi, grande ville du nord de la Norvège, point de départ
des expéditions polaires historiques. Et au nord, l'objectif principal de beauté naturelle époustouflante : Les îles Lofoten.
Un avant-goût des Lofoten, Moskenesøya, avec quelques photos glanées sur Internet :
Dernière édition par Northman le Dim 31 Jan 2016 - 14:53, édité 3 fois
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Ja, vi elsker dette landet
"Oui, nous aimons ce pays". C'est le titre de l'hymne national norvégien, dont je vous propose une belle version, d'abord et avant tout par intérêt culturel : Intéressant de suivre les paroles, déjà pour la prononciation du norvégien. J'ai mis ensuite un premier jet de traduction française, trouvé sur Wikipédia. Nous y reviendrons plus loin...
Premier et septième couplets, habituellement joués, avec le huitième et dernier :
Ja, vi elsker dette landet
som det stiger frem,
furet, værbitt over vannet,
med de tusen hjem.
Elsker, elsker det og tenker
på vår far og mor,
og den saganatt som senker
drømme på vår jord.
"Oui, nous aimons ce pays
Comme il émerge
Érodé par les éléments surgissant de la mer
Avec ses mille foyers
Aime, aime-le et pense
À nos pères et mères
Et cette nuit fantastique qui tombe sur nos terres
...
Norske mann i hus og hytte,
takk din store Gud!
Landet ville han beskytte,
skjønt det mørkt så ut.
Alt hva fedrene har kjempet,
mødrene har grett,
har den Herre stille lempet
så vi vant vår rett.
Norvégien, dans tes maisons et tes cabanes,
Remercie ton grand Dieu !
Il voulait défendre le pays
Même si son avenir semblait sombre
Parce que dieu a vu toutes les batailles des anciens
et les pleurs des mères
il nous a aidé à gagner notre liberté.
Ja, vi elsker dette landet,
som det stiger frem,
furet, værbitt over vannet,
med de tusen hjem.
Og som fedres kamp har hevet
det av nød til seir,
også vi, når det blir krevet,
for dets fred slår leir.
Oui, nous aimons ce pays
Comme il émerge
Érodé par les éléments surgissant de la mer
Avec ses mille foyers.
Et comme lors des batailles de nos pères qui tirèrent
Dont les victoires sortirent le pays de la misère,
Aussi, s'il est nécessaire
Nous rejoignons nos bataillons pour le bien du pays."
Je reprends donc plus loin au moins pour une analyse approfondie du premier couplet.
Dernière édition par Northman le Sam 30 Jan 2016 - 15:45, édité 3 fois
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Re: Norvège : Les "stavkirke", églises en "bois debout", et secondairement bien d'autres aspects de ce magnifique pays et de sa culture...
Je comprends, mon ami, que tu rêves de ces lointaines contrées nordiques. Mais je pense qu'avant de te lancer dans un tel périple tu devrais mieux documenter ton projet et compléter tes connaissances géographiques.
Comme tu peux voir, pour atteindre le pôle, cette île au centre de Septentrio, la route est longue!
Toutes ces cartes le prouvent, Septentrio se trouve au delà de la Mare Gelatum.
Voici une vue à plus petite échelle de ces territoires :
Et pour t'aider à mieux tracer ton itinéraire:
Non, car, comme le montrent les cartes suivantes, au nord de la Norvège il y a bien un continent nommé Septentrio. C'est une vaste terre encore mal connue et pleine de dangers...Northman a écrit:
Le point le plus septentrional de l'Europe continentale n'est pas exactement le cap Nord
Comme tu peux voir, pour atteindre le pôle, cette île au centre de Septentrio, la route est longue!
Toutes ces cartes le prouvent, Septentrio se trouve au delà de la Mare Gelatum.
Voici une vue à plus petite échelle de ces territoires :
Et pour t'aider à mieux tracer ton itinéraire:
Re: Norvège : Les "stavkirke", églises en "bois debout", et secondairement bien d'autres aspects de ce magnifique pays et de sa culture...
Jean-Yves Amir a écrit:Non, car, comme le montrent les cartes suivantes, au nord de la Norvège il y a bien un continent nommé Septentrio.Northman a écrit:
Le point le plus septentrional de l'Europe continentale n'est pas exactement le cap Nord
Il est désormais appelé Octentrio, car :
Jean-Yves Amir a écrit:C'est une vaste terre encore mal connue et pleine de dangers...
Toutes ces cartes le prouvent, Septentrio se trouve au delà de la Mare Gelatum.
D'où l'expression "pagayer dans la gélatine"...
Ils ont fait mieux :
https://blogs.mediapart.fr/corinne-n/blog/270413/le-piege-blanc
Blague à part, de quelle période date toute cette cartographie, Jean-Yves ?
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Re: Norvège : Les "stavkirke", églises en "bois debout", et secondairement bien d'autres aspects de ce magnifique pays et de sa culture...
Northman a écrit:
Blague à part, de quelle période date toute cette cartographie, Jean-Yves ?
Nous en avions parlé, je ne saurais dire pourquoi, mais j'aime bien les cartes anciennes.
J'ai pris ces photos sur un gros bouquin intitulé "Dessiner le monde, histoire de la cartographie du 14ème siècle à 1914".
Mais on doit pouvoir les retrouver sur le net.
La première ci-dessus est un détail de la carte du monde de Laferi, qui, je cite: "s'appuie sur une carte de 1550 d'Antonio Salamanca, elle même établie sur une carte de 1538 de Mercator"
La 2 et la 3 font partie de l'atlas de Mercator édité en 1595-97.
La 4 est une carte d'Ortelius, pas de date sur le bouquin mais ce doit être à peu près la même époque.
La carte de la photo 5 (Avec détail en 6) provient de l'Atlas d'Agnese qui date de 1543-46.
Bref! 16ème siècle!
Quand à ta video de randonnée en kayak dans des eaux en train de geler, c'est de la folie!
Ja, vi elsker dette landet, suite
Nous allons essayer décortiquer le premier couplet que j'aime beaucoup, C'est un véritable tableau poétique, inattendu pour un hymne national, si on le compare au nôtre qui attaque dur dès le premier mot, nous fait sauter du lit avec un dynamique "Allons !" et nous mobilise d'emblée, étendard au vent, pour une guerre sanglante de défense la patrie.
Ja, vi elsker dette landet
som det stiger frem,
furet, værbitt over vannet,
med de tusen hjem.
Elsker, elsker det og tenker
på vår far og mor,
og den saganatt som senker
drømme på vår jord.
Ja, vi elsker dette landet
"Oui, nous aimons ce pays." L'hymne national commence par un oui et une véritable déclaration d'amour. Avec le verbe eslke c'est un amour fort :
http://www.dict.com/?t=no&set=_frno&w=elsker
C'est donc un love plutôt qu'un like, un "aimer" plutôt qu'un "aimer bien".
som det stiger frem,
Le verbe stige, c'est monter, augmenter, s'accroître, mais aussi entrer. Le sens de ce verbe est surtout précisé par l'adverbe frem. Les deux associés donnent une puissante idée de mouvement vers le haut et vers l'avant. "As it rises forth", me semble être une meilleure traduction que "comme il émerge" mais l'équivalent français ne me vient pas à l'esprit pour le moment... A la fois se (re)dresser et aller de l'avant...
furet, værbitt,
Furet, værbitt est traduit rugged, weathered en anglais. On a une érosion mécanique de type rabotage dans furet, ce qui fait penser à l'érosion glacière, et l'érosion par la pluie et le vent, par les intempéries, dans værbitt. La traduction française "érodé par les éléments" recouvre bien cela, mais on perd en précision et en images. "Erodé par les glaciers, la pluie et les vents" serait plus long mais plus juste et plus imagé. Mais connaissait on les glaciations, les vallées glacières en "u" et l'érosion glacière en 1859 et 1866 , période de création de cet hymne ?
Il doit y avoir une double lecture possible, une littérale, physique, naturelle, et une l'autre symbolique, au niveau de l'histoire d'un pays qui a été "labouré", s'est pris des tempêtes, mais s'est redressé. Le parallèle est puissant.
Vous aurez noté au passage la prononciation de la lettre norvégienne æ, proche de notre "ê", mais tirant un peu sur notre "a".
...over vannet :
Au-dessus de la mer. Plutôt au-dessus des eaux :
http://no.thefreedictionary.com/Vann
Effectivement l'idée d'une montée, d'un redressement au-dessus de la mer pourrait être traduite par une émersion. Mais on perd quelque chose. "Comme il émerge érodé par les éléments surgissant de la mer" me parle moins que " Comme il se dresse, labouré par les éléments, battu par les vents et les pluies, au-dessus des eaux." Dans la lecture symbolique l'eau et la mer renvoient à des peurs, représentées par des monstres marins sur les cartes anciennes. Les montagnes les dominent...
med de tusen hjem.
"Avec ses milliers de maisons/foyers." L'être humain apparaît maintenant dans le paysage. Les maisons le parsèment et complètent ce magnifique tableau. Vous avez remarqué en écoutant l'hymne chanté que contrairement aux Anglais, les Norvégiens sont loin d'être fâchés avec le son "u", le "u" de notre "futur" par exemple. Les Allemands ont aussi le ü, mais leur u est notre "ou". Par contre les Anglais, qui ont tant de mal à dire "urluberlu", ont conservé le fameux th au début de thousand, alors que les Norvégiens l'ont perdu dans tusen. Encore une fois pour les Islandais, plus proches du vieux norrois, mille est þúsund... à écouter ici :
http://fr.forvo.com/search/%c3%be%c3%basund/
Hjem : Nous sommes habitués à la prononciation norvégienne du j avec le mot fjord. Voici la prononciation de hjem :
http://no.thefreedictionary.com/hjem
Hjem est issu du vieux norrois heimr. Heim est aussi la maison en islandais actuel. On retrouve cette même racine dans le home ( sweet home ) anglais... Et dans des noms de villes allemandes comme Mannheim ou norvégiennes comme Trondheim.
Elsker, elsker det og tenker ...
Aime, aime le, et pense ... Ou aimons, aimons et pensons ? En tout cas, trois fois le verbe aimer dans ce premier couplet ! C'est l'amour, pas la guerre... au moins au début. L'amour du pays est donc mis en exergue dans cet hymne national. Elsker est le verbe aimer conjugué au présent, et c'est la même forme à toutes les personnes, y compris la troisième du singulier. A l'impératif ce serai elsk. Pour la prononciation, particulièrement celle du -er final, on a la même que dans le nom "amant" :
http://no.thefreedictionary.com/elsker
Det est un pronom personnel, "le", mis pour landet. Og est la conjonction "et" :
http://no.thefreedictionary.com/og
Tenker, c'est le verbe penser au présent. Å tenke à l'infinitif, "penser". Issu du vieux norrois þekkja. Nous vient à l'esprit l'anglais to think, penser, avec le th conservé, alors qu'il a disparu en norvégien... la routine ...
på vår far og mor,
På : Dans tenker på, pense à. Ou pensons à ?
http://no.thefreedictionary.com/p%C3%A5
Pense, pensons (?) à nos pères et mères. On ouvre maintenant la porte des ancêtres, de l'histoire familiale, et plus largement de celle du pays. Chez nous le nom patrie est féminin, mais son étymologie est patriarcale, latin pater. Ici, on pense aux pères et aux mères. Faðir et móðir en islandais contemporain. Encore une fois le ð a sauté en norvégien contemporain mais les Anglais l'ont conservé sous la forme du th de father et mother. Attention à la prononciation du "o" de mor. Comme celui de bok ou de bokmål :
http://no.thefreedictionary.com/mor
Les å de på et vår sont plus proches ne notre "ô" alors que le o de mor est plus proche de notre "ou".
og den saganatt
Wikipédia traduit par "et cette nuit fantastique". La traduction anglaise vue plus haut conserve le mot "saga", avec and the saga night. Il est dommage de perdre ce mot, si chargé de sens en Scandinavie, dans la traduction française.
"C'est en Islande, vers les XIIe-XIIIe siècles, que sont nées les littératures nordiques dans leur ensemble. Les grandes mythologies, les sagas, l'extraordinaire poésie skaldique ont été écrites en islandais. On explique en partie ce miracle islandais par le mélange des cultures, scandinave et celte, de ses premiers habitants, en 874. Aujourd'hui, l'islandais est le latin du suédois, du danois et du norvégien."
Régis Boyer,
http://www.lexpress.fr/culture/livre/regis-boyer-les-scandinaves-pratiquent-l-art-de-conter_973441.html
Voici Þat Mælti Mín Móðir un poème chanté en vieux norrois, et pour la prononciation du ð et du þ, Brennið þið vitar, chanson de marins en islandais:
"Selon Régis Boyer : « On appelle saga un récit en prose, toujours en prose, ce point est capital, rapportant la vie et les faits et gestes d'un personnage, digne de mémoire pour diverses raisons, depuis sa naissance jusqu'à sa mort, en n'omettant ni ses ancêtres ni ses descendants s'ils ont quelque importance ». Notons encore qu'une saga n'est qu'extrêmement rarement une légende ou un conte. Le mot vient du verbe segja, « conter », « raconter » (comparer avec l'allemand sagen ou l'anglais to say). L'auteur de sagas, souvent anonyme, est un sagnamaðr (pluriel sagnamenn)."
https://fr.wikipedia.org/wiki/Saga
Au vu de ces précisions d'un éminent spécialiste, la traduction de saganatt par "nuit fantastique" n'est pas judicieuse. Ce serait plutôt une nuit qui va elle même être une saga, et/ou une nuit au cours de laquelle une saga va nous être contée, celle de l'histoire de "nos pères et mères", de ces ancêtres norvégiens auxquels il faut penser. La saga de l'histoire du pays, qui va se décliner dans les cinq couplets suivants, habituellement non chantés. Une histoire réelle, donc pas (ou peu) de légendes ou de contes. De ce point de vue "fantastique" ne colle pas car pouvant porter à confusion. La nuit sera fantastique si formidable, mais pas fantastique au sens irrationnel.
og den saganatt som senker drømme på vår jord.
Senker est un verbe conjugué au présent. Å Senke, baisser, enfoncer, déprimer, abaisser. To sink en anglais, couler, sombrer. Senker, à la fin de ce couplet est en opposition avec le stiger frem du début. Un mouvement descendant qui s'oppose à un mouvement d'ascension et d'avancée, comme la tombée de la nuit s'oppose au lever du jour, comme la méditation s'oppose à l'action.
Drøm est le rêve, nom masculin en norvégien. A rapprocher évidemment du dream anglais ou du traum allemand. Les rêves : Drømene. Å drømme est le verbe rêver.
"Et la nuit de saga qui fait descendre les rêves sur notre terre" serait une traduction assez proche.
Ce premier couplet nous fait passer, en deux ou trois coups de pinceau poétique de maître, de la géographie à l'histoire , en nous emmenant des paysages grandioses à l'intérieur des maisons, où nous allons passer une partie de la nuit à écouter la saga de l'histoire du pays, dans une atmosphère propice à la réflexion, à la méditation et au rêve.
La nuit en Norvège, ça n'est pas rien. Au nord du cercle polaire en hiver, la nuit polaire, durant laquelle le soleil ne se lève plus du tout pendant plusieurs semaines. Au sud de la Norvège les jours hivernaux sont très courts et peu lumineux : le soleil se lève tard et se couche tôt, ne monte pas haut au-dessus de l'horizon sud. La nuit nordique offre cependant de magnifiques cadeaux lumineux, des cadeaux de rêve qui descendent du ciel :
[/b]
Dernière édition par Northman le Jeu 15 Déc 2016 - 14:25, édité 5 fois
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Essai de classification des stavkirke d'après le premier coup d'œil extérieur, la première impression
Pour commencer, la mosaïque de photos des 28 stavkirke norvégiennes, grosso modo du sud au nord et d'ouest en est :
Eidsborg, Heddal, Høyjord, Røldal, Flesberg, Gol, Rollag, Nore, Uvdal, Hedal, Torpo, Reinli, Hopperstad, Undredal, Kaupanger, Urnes, Borgund, Øye, Høre, Lomen, Hegge, Garmo, Ringebu, Lom,
Rødven, Kvernes, Grip et Haltdalen :
Hautes, grandes, élancées, majestueuses, harmonieuses, originelles, très impressionnantes, dépaysantes, faisant penser à des pagodes avec leurs cascades de toitures, ce quartet de stavkirke
s'impose immédiatement au regard dans la mosaïque symphonique des vingt-huit : Je trouve que Borgund, la mieux préservée, pourrait aurait comme Urnes sa place au Patrimoine Mondial de
l'Unesco. Borgund, Heddal, Gol et Hopperstad :
Urnes est aussi originelle et harmonieuse, mais plus sobre, avec moins de cascades de toitures :
Plus "ramassée", moins élancée, mais belle et originelle aussi, Eidsborg viendrait aussi peu après
le quartet de tête :
Reinli et surtout Øye choquent le regard. Dysharmonieuses, elles semblent avoir été coupées du ciel, amputées de leurs flèches d'origine. Il faudra vérifier :
Parmi les mini-stavkirke, Undredal et Grip sont totalement éloignées, non seulement par leur taille, mais aussi par leurs styles, du quartet des reines :
Mais une des "mini" est beaucoup plus originelle, Haltdalen :
Enlevons ces stavkirke de notre mosaïque et voyons celles qui restent :
Un point commun important entre toutes ces stavkirke restantes : Des remaniements subis au cours des siècles, qui ont plus ou moins fortement altéré leur caractère originel. Les plus frappants
sont des flèches de styles ultérieurs, bien différentes de celles de nos quatre reines, d'Urnes ou d'Eisborg, et les fenêtres qui jureraient beaucoup moins sur de simples maisons. Des matériaux de
couverture - parfois même de la tuile mécanique- très éloignés des bardeaux de bois originels. On peut établir plusieurs sous-groupes :
Malgré des flèches ultérieures qui parfois jurent franchement, et/ou malgré les fenêtres, Hedal, Røldal, Torpo, Kaupanger, Høre, Ringebu et Lom ont conservé une part de leur caractère originel. Il
y a quand-même un effet de cascade de toits. Aussi, des extensions latérales -transepts- pour Hedal, Ringebu et Lom :
Là l'altération due aux remaniements et/ou l'éloignement du style des quatre reines, d'Urnes ou d'Eidsborg deviennent considérables. Ce sont aussi des stavkirke sans toitures
de bas-côtés, ce qui les différencie d'emblée des grandes : Pas d'effet de cascade de toits. Lomen, Hegge, Rødven, Flesberg et Kvernes. Flesberg comporte un long "transept" :
Pas de bas-côtés avec les toitures correspondantes, ce qui donne pour les trois dernières un effet de grande hauteur des parois verticales par rapport aux hauteurs des toitures
Extensions latérales, transepts. Garmo, Rollag, Nore, Uvdal :
Enfin je trouve qu' Høyjord est à part, avec des volumes de proportions différentes de celles autres stavkirke :
Dernière édition par Northman le Sam 30 Jan 2016 - 15:50, édité 5 fois
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Flèches
On a vu que les flèches sont très importantes dans l'harmonie d'ensemble des stavkirke. Sur les quatre "reines", Borgund (photos 1-2-3-4-5-6), Hopperstad (7-8 ), Gol (9-10) et Heddal (11-12),
elles ont trois niveaux de toitures, deux pour Heddal - au style différent-, formant ainsi le début de la "cascade" de toits qui produit ce splendide effet pagode :
Eidsborg, une stavkirke plus petite, moins élancée, cascade moins vertigineuse, deux toiture de flèche :
Urnes : La flèche est très différente de celles de Borgund, Opperstad et Gol. Probablement pas le style d'origine :
Borgund est donc la stavkirke la mieux préservée. Détails de sa flèche avec sa tourelle chevauchante, son lanterneau et son pinacle :
Ringebu : La tour-beffroi et la flèche de la stavkirke ne sont certainement pas d'origine, ni dans le style d'origine. On les remarque à peine ! Contraste moderne-ancien ... hésitant ?
Cette église est datée autour de 1220 et sa tour-flèche rouge a été posée au XVIIème siècle.
Source : http://www.lonelyplanet.com/norway/ringebu/sights/religious/ringebu-stave-church
En 1631 plus précisément. L'église a été agrandie en 1630 selon un plan cruciforme : https://en.wikipedia.org/wiki/Ringebu_Stave_Church
Mais revenons à Borgund : " C'est la stavkirke la mieux conservée de toute la Scandinavie, au point qu'elle a servi de modèle pour la restauration d'autres églises (Gol, Hopperstad, Fortun, par exemple). Elle n'a en effet subi aucune modification depuis la Réforme, ce qui est rare ... L'examen de l'architecture et du décor permet de dater la stavkirke des deux dernières décennies du XIIe siècle. La dendrochronologie le confirme : les arbres utilisés ont été abattus au cours de l'hiver 1180 – 1181." http://jalladeauj.fr/claveyrolasstavk/styled/index.html
Une datation à l'année près de l'abattage des arbres. Fascinant ! Dans le prochain post, nous ferons une sympathique petite incursion dans le domaine de la dendrochronologie. Le bois, encore le bois !
Dernière édition par Northman le Sam 30 Jan 2016 - 15:53, édité 5 fois
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La dendrochronologie ou l'art de faire parler les arbres
Extraits de l'article d'Erhard Pressler traduit par Sophie Engelmarie et Ulysse Louis :
http://sauvegardeartfrancais.fr/documents_presse/monument-sites-eure-dendroN151-juin14.pdf
"Cette technique, relativement récente pour la France, jusqu'alors réservée au cercle des archéologues, universitaires et autres spécialistes, commence à intéresser le grand public... Ce qui est rare en France ne l'est pas en Allemagne où cette discipline voit de nombreux développements...
Les cernes annuels comme balises de la datation des monuments :
La dendrochronologie, méthode scientifique de datation du bois, utilise le fait que les arbres forment des cernes annuels plus ou moins marqués d'une année sur l'autre. Leur séquence contient le bilan écologique de toute la vie d'un arbre. Des facteurs individuels et locaux ainsi que des influences supra régionales se répercutent sur leur croissance. Dans des conditions favorables se forme un large cerne, dans des conditions défavorables, un cerne mince. Ainsi est créée une "empreinte digitale" propre à chaque arbre. En comparant plusieurs chronologies individuelles, les influences supra régionales sont dominantes. D'où, pour la plupart des arbres, la présence d'un schéma récurrent plus ou moins fortement marqué. Léonard de Vinci avait déjà fait cette observation.
L'Américain A.E. Douglass fut le premier, à la fin du XIXe siècle, à développer le procédé de la dendrochronologie. reprise en Allemagne, la méthode a été introduite par le botaniste forestier Bruno Huber, de Munich, dans les années quarante du XXe siècle. De ce travail résultèrent les premières séries dendrochronologiques pour le sud de l'Allemagne. La datation du bois d'une construction présuppose l'existence d'un échantillon déjà daté provenant de la région, corrélativement de la même zone climatique et de la même essence. Quand chaque échantillon montre une croissance propre trop marquée, un essai de datation est peu prometteur. Certes la datation peut réussir avec un unique échantillon de comparaison, mais seule est fiable une chronologie établie à partir d'une pluralité d'échantillons; une courbe régionale basée sur des moyennes arithmétiques offre une séquence chronologique débarrassée de composantes individuelles. Grâce à celle-ci, les essais de datation sont alors rationnels et suffisamment prometteurs de succès.
Carottage et exemple de courbe régionale de référence ( en gras sur le graphique) :
Les laboratoires européens de dendrochronologie disposent d'une quantité de telles chronologies pour diverses essences et couvrent un temps qui remonte à environ 12 000 ans."
Principe du carottage avec une mèche de perceuse spéciale, une mèche creuse :
Dernière édition par Northman le Sam 30 Jan 2016 - 15:54, édité 1 fois
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La stavkirke de Grip, ultra-maritime
Une des "mini" avec Undredal, déjà visitée, et Haltdalen. D'abord remarquable par sa localisation très maritime, au large
de Kristiansund :
Le capitaine du Gripbåten - båt, bateau; båten, le bateau; Gripbåten, , le bateau de Grip- nous emmène de Kristiansund à
l'île de Grip. Il nous ouvre brièvement la stavkirke, et il faut bien ouvrir les yeux car peu de vues intérieures de cette église
sont disponibles sur Internet. Elle aurait donc été construite au XVème siècle, entre 1417 et 1447, et a été plusieurs fois
détruite puis reconstruite à cause des tempêtes. C'est donc une stavkirke d'origine tardive.
Cette île n'est désormais plus habitée en automne et en hiver.
Extérieurement, l'église de Grip ne jure pas parmi les maisons du village maritime aux couleurs vives et variées.
Comme pour Undredal, la question est de savoir pourquoi elle est classée parmi les stavkirke; car extérieurement, rien ne
permet de le deviner...
Plus que le petit clocher de la stavkirke, Le phare de Grip, situé sur l'îlot de Bratthårskollen, est l'amer le plus remarquable
du secteur, avec ses 47 mètres de hauteur. C'est le second plus haut phare norvégien. La mer, des îlots, un phare, à
l'horizon des montagnes parsemées de névés : La Norvège...
Sur Grip les tempêtes hivernales peuvent être sévères :
La petite stavkirke de Grip est du type Møre*, structurellement similaire aux plus grandes stavkirke de Kvernes et
Rødven. Elle a subi des modifications majeures en 1621 où les parois ont été remplacées et la flèche ajoutée. Les
fenêtres actuelles ont été posées en 1870. En 2007 le toit et la flèche ont été restaurés.
Source : https://en.wikipedia.org/wiki/Grip_Stave_Church
Il va donc falloir aller voir de plus près Kvernes et Rødven pour mieux comprendre Grip, dont il ne reste pas grand chose
d'origine au premier abord. Nous reviendrons seulement ensuite à la dernière des trois "mini", mais non la moindre,
Haltdalen.
Pour terminer sur Grip, quelques vues d'intérieur, dont pas mal de Per Kvalvic, glanées sur Internet :
* Du nom du comté Møre og Romsdal dans lequel se trouvent ces trois stavkirke :
Dernière édition par Northman le Lun 15 Fév 2016 - 13:41, édité 48 fois
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Re: Norvège : Les "stavkirke", églises en "bois debout", et secondairement bien d'autres aspects de ce magnifique pays et de sa culture...
Jean-Yves Amir a écrit:Les Ecrehous norvégiens!
Ne t'inquiète pas Jean-Yves, je ne vais pas faire un sous-sujet de huit pages sur Grip dans ce sujet norvégien, car je n'y suis pas allé en kayak de mer. Et en allant sur Grip après Marmotière, on pourrait faire une grave crise de phobie des grand espaces...
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Les stavkirke de Kvernes et Rødven
Extérieurement pas très folichonne, la stavkirke de Kvernes, avec ses planches horizontales -alors que dans le style
originel des stavkirke les planches de panneaux des parois sont verticales-, avec ses tuiles mécaniques de couverture, sa
flèche non assortie, son aspect extérieur de petite église banale. Elle n'est certainement pas classée parmi les stavkirke
à cause des pieux extérieurs qui contrebutent les hauts de parois ...
Non, c'est principalement à l'intérieur que se trouve toute sa richesse :
Beaucoup de points communs avec Rødven :
Dernière édition par Northman le Mer 3 Fév 2016 - 23:29, édité 1 fois
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Caractéristiques des stavkirke de type Møre (Grip, Kvernes, Rødven)
Les deux caractéristiques principales des stavkirke de type Møre sont des poteaux intermédiaires sur les parois de bois
et des traverses de plafond. Sur ce détail de l'intérieur de Kvernes, on voit bien un poteau (stav) intermédiaire dans
lequel viennent s'encastrer les planches verticales de la palissade :
Je n'ai pas trouvé de photos des charpentes des toitures de Kvernes et Rødven. Et sur les photos d'intérieur, on voit des planches
de plafond qui les masquent, ce qui n'est pas le cas de Grip :
La ferme de charpente la plus simple qui soit, avec deux arbalétriers (en orange), et un entrait (en rouge). La portée des ces
longues traverses est de 6m50 à Grip et 7m50 à Kvernes. L'assemblage arbalétrier-entrait, encerclé en noir sur la photo de droite,
subit des forces considérables, avec une poussée des arbalétriers vers l'extérieur. Si cet assemblage vient à faiblir, il faut
contrebuter par l'extérieur. Le même principe que celui des arcboutants des églises de pierre qui contrebutent la poussée latérale
des voûtes sur les murs gouttereaux :
Je n'ai trouvé aucune information sur les époques auxquelles les stavkirke de Kvernes et Rødven ont été contrebutées par des
pieux extérieurs. Ci-dessus, Rødven, dont je n'ai pas trouvé les dimensions de la nef. Kvernes et Rødven ont été préservées car
de nouvelles églises, plus grandes, ont été construites à côté. La plupart du temps l'ancienne stavkirke était détruite pour être
remplacée par une plus grande église. C'est ce qui explique la disparition de la plupart des stavkirke originelles. Il n'en reste
plus que 28 en Norvège sur les au moins 1000 d'origine.
Kvernes sur Norgeskart :
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Håkon Christie, spécialiste norvégien de référence des stavkirke
Un nom revient souvent quand on effectue des recherches assez poussées sur les stavkirke norvégiennes, celui d'Håkon Christie, 1922-2010.
C'est un architecte norvégien connu pour son travail remarquable sur les églises en bois debout. Nous verrons un de ses dessins dans le prochain post, sur la stavkirke d'Haltdalen. Il a fait ses études d'architecture à Trondheim, et obtenu son diplôme en 1949, avec une thèse sur la restauration. Pendant ses études il avait été assistant du grand architecte Gerhard Fischer, et effectué arpentages et fouilles de bâtiments médiévaux, en particulier sur les sites de la cathédrale de Nidaros-Trondheim et de la forteresse de Bergen, Bergenhus. Elu membre de l'Académie Norvégienne des Sciences en 1976. Chevalier de l'Ordre de Saint Olav (ou Olav Haraldson, ou encore Olaf II de Norvège, figure majeure de l'histoire norvégienne) en 1995. Médaille d'honneur d'Europa Nostra en 2005... Géographiquement, historiquement et culturellement la Norvège fait bien partie de l'Europe, même si elle ne fait pas partie de la CEE.
Bibliographie en norvégien :
Christie, Håkon (1974). Middelalderen bygger i tre. Oslo: Universitetsforlaget. ISBN 8200013952 (ib.) .
Christie, Håkon, Stavkirkene – Arkitektur i Norges kunsthistorie, bind 1, Oslo 1981, s. 139–250 ISBN 82-05-12265-2
Christie, Håkon, Stavkirkeforskningen, Foreningen til norske Fortidsminnesmerkers bevaring, Årbok 1981, vol. 135, side 58-68
Christie, Håkon (1990). Haslum kirke 800 år. Haslum: Haslum menighet.
Christie, Sigrid og Håkon (1990). Nes kirkeruiner: gamle Nes. [Årnes]: Raumnes historielag.
Christie, Håkon, Urnes stavkirkes forløper belyst ved utgravninger under kirken, Foreningen til norske Fortidsminnesmerkers bevaring, Årbok 1958, vol. 113, side 49-74
Christie, Sigrid og Håkon, Norges kirker – Buskerud, Oslo 1981
Christie, Håkon (1997). Hopperstad stavkyrkje. Oslo: Fortidsminneforeninga.
Source
Un livre de 23 pages a été traduit en français, en 1978 : Eglises "en bois debout"
Un texte d'Håkon Christie sur les stavkirke traduit en français :
"Les églises de bois-debout de Norvège (par Håkon Christie )
Le christianisme qui s'est répandu en Norvège voici un bon millier d'années représente la première influence directe d'une culture européenne. Sa rencontre avec le fonds nordique pré-chrétien n'a pas été sans tensions, qui ont laissé des traces profondes dans la société norvégienne. Les églises témoignent de ce choc culturel.
Même si aucune des vingt-neuf églises de bois debout que la Norvège compte à ce jour n'appartient à la première génération, nous savons maintenant que les églises érigées au XIe siècle - période appelée le temps des missions - étaient étroitement apparentées aux premières églises de bois debout, des bâtiments de bois dont les murs étaient formés de poteaux et de planches dressés verticalement. Les poteaux étaient plantés dans des trous creusés dans le sol. Ils constituaient ainsi un squelette porteur qui assurait l'indispensable rigidité de l'ensemble. Leur principal inconvénient [était de] ne pas offrir une protection suffisante contre la pourriture. Les fouilles archéologiques ont dégagé des rangées de trous profonds contenant des restes de bois spongieux, le seul témoignage direct de ces églises de première génération - et de leur destin.
Ces églises archaïques ne semblent pas avoir survécu plus d'un siècle. Dès le XIIe siècle, le besoin de bâtiments plus résistants a dû se faire sentir. Plutôt que de planter poteaux et planches directement dans le sol, on préféra les encastrer dans des sablières elles-mêmes posées sur des fondations de pierre. Ainsi surélevés du sol, les murs furent protégés de la pourriture. Cette solution s'est avérée si efficace que des bâtiments de bois édifiés dans les années 1100 sont parvenus intacts jusqu'à nous.
C'est à leur technique de construction que les églises de bois debout doivent leur nom : les murs sont constitués de palis et poteaux dressés verticalement, encastrés - en bas - dans une sablière rainurée et - en haut - dans une panne. À chaque coin, un poteau cornier s'encastre sur la sablière et la panne pour assurer une liaison rigide. Le mur se compose ainsi d'un cadre rigide sablière - poteaux corniers - panne rempli d'une palissade de planches verticales. Les sablières porteuses des quatre murs constituent un cadre horizontal rigide qui porte l'édifice. Les pannes constituent un deuxième cadre rigide au haut du mur, qui porte la charpente du toit.
Il existe ainsi de nombreux types d'églises de bois debout qui toutes ont en commun d'être constituées de palis dressés verticalement. Le type le plus répandu est un édifice simple de taille modeste avec une nef et un chœur plus étroit. Un type encore plus simple est l'église dite longue dont la nef et le chœur constituent un bâtiment de largeur égale couvert par un toit dit en bâtière, courant sur toute la longueur de l'édifice. Dans ces églises, le chœur a été séparé de la nef par une cloison percée. Le type le plus imposant et aux formes les plus avancées est représenté par l'église de Borgund. Elle est pourvue d'une nef et d'un chœur plus étroit, terminé par une abside en demi-cercle. Dans ce type d'église, la partie médiane de la nef, du choeur et de l'abside est plus élevée que les parties extérieures appelées collatérales. (Attention à ne pas confondre ces collatérales avec les galeries extérieures qui ceinturent le bâtiment. Ces galeries entourent souvent tous les types d'églises et ne sont donc pas caractéristiques d'un type précis). La partie médiane surélevée de la nef est portée par des colonnes indépendantes espacées d'environ 2 m et placées environ 1 m en retrait des poteaux porteurs extérieurs, délimitant ainsi la partie médiane et les collatérales.
Certaines églises de bois debout n'ont qu'un pilier central jusqu'au faîte. Ces églises dites à pilier central ressemblent plutôt aux églises archaïques avec nef et chœur plus étroit, mais leur charpente est plus élaborée.
Les églises de bois debout sont des constructions de superbe facture, richement sculptées. Presque toutes les églises s'ouvrent sur un portail dont l'extérieur est sculpté sur toute la hauteur. Cette tradition décorative semble provenir des ornements animaliers de l'ère viking. Les dragons en sont le motif préféré et s'y développent en créatures fantastiques aux membres interminables. Les volutes végétales s'y mêlent aux entrelacs et aux bouquets de feuillages élaborés. Ces compositions luxuriantes sont exécutées de main de maître et élèvent ces portails au rang de chefs d'œuvre de l'art national. Il serait pourtant difficile de prétendre que le message de ces portails est d'essence chrétienne.
L'intérieur des églises de bois debout était sombre. À l'origine, les seules sources de lumière sont les petites ouvertures circulaires percées dans la partie supérieure du mur de la nef. Elles ne dispensent qu'une faible lueur. Les sculpteurs chargés des décorations intérieures n'y ont toutefois pas trouvé un prétexte pour ménager leurs efforts. Dans certaines églises, les colonnes s'achèvent par des chapiteaux qui rappellent ceux des églises de pierre romanes. On a visiblement voulu parer les églises de bois d'éléments empruntés au style des chefs-d'œuvre de pierre contemporains. L'admirable ossature de bois des églises, dictée par les caractéristiques techniques du matériau, garde toutefois sa pleine originalité. "
Source
Northman- Messages : 547
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La stavkirke d'Haltdalen, premier abord extérieur
Une "mini", comme Undredal et Grip, mais très intéressante. La plus septentrionale des stavkirke norvégiennes restantes :
Le texte d'Håkon Christie à propos Haltdalen ( à la fin surtout) :
"La plupart des églises de bois debout de Norvège étaient de petits édifices d'une grande simplicité, avec une nef courte
prolongée par un chœur plus étroit. Elles étaient couvertes de bardeaux, les murs et les toits étaient enduits de goudron.
A l'intérieur, l'église était ouverte jusqu'au faîte. Ces églises étaient de taille modeste. Mais bientôt, en raison de la
généralisation de l'usage des bancs et de l'accroissement constant du nombre des paroissiens, ces bâtiments ne suffisent
plus à leur fonction. La plupart des églises de ce type ont donc été rasées, certaines ont été remaniées et agrandies.
L'église de Haltdalen a été transportée au musée des Arts et traditions populaires du Trøndelag à Sverresborg près de
Trondheim où elle a été restaurée dans son état d'origine."
Source
Sa période de construction est estimée aux alentours de 1170, donc fin du XIIe siècle.
Visite guidée en norvégien, sous-titré en anglais :
Localisation du village d'origine :
Dernière édition par Northman le Dim 7 Fév 2016 - 14:23, édité 7 fois
Northman- Messages : 547
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Localisation : Normandie
Stavkirke d'Haltdalen : Impressionnante charpente !
Une des rares photos des fermes de la charpente de toiture d'Haltdalen trouvée sur Internet :
Dessin d'Håkon Christie. Ces fermes sont impressionnantes surtout dans leurs parties supérieures :
Je n'avais jamais vu une telle structure de ferme de charpente. Elle m'impressionne par son élégance
esthétique qui doit refléter une étonnante et savante répartition des forces. Encore l'harmonie des
formes et des forces. XIIe siècle ! Ces fermes méritent une attention et une étude toutes particulières.
Sur le dessin d'Håkon Christie, je vais surligner les différents éléments d''une ferme avec plusieurs
couleurs :
En rouge, les deux arbalétriers. En orange, l'entrait retroussé, dont une des fonctions est d'empêcher
les arbalétriers de s'affaisser vers le bas, comme dans l'effondrement d'un château de cartes, en
poussant vers l'extérieur les poutres sablières du haut des murs gouttereaux. En vert, comme à
Borgund, une croisée d'écharpes, dont les poutres sont de la même section que celle des arbalétriers.
En bleu, deux contrefiches qui croisent les écharpes et s'articulent ensemble dans leurs parties
inférieures. Cet assemblage inférieur pend dans le vide : Il n'y a pas de poinçon entre la jonction
supérieure des arbalétriers et l'entrait :
L'élégance de la ferme découle de l'égalité des sections, relativement faibles, de toutes ses poutres, et de ce treillis formé
dans la partie supérieure par l'entrecroisement des contrefiches et des écharpes.
Sur la photo ci-dessus, tout comme sur celle du début de ce post, on voit que les pannes intermédiaires supérieures sont
plus proches des jonctions arbalétriers-contrefiches que sur le dessin d'Håkon Christie. Ces pannes ont certainement été
remplacées et un peu déplacées entre l'époque du dessin et celle de la photo. Résultat encore plus efficace encore du point
de vue des forces...
... Justement, il nous faut maintenant comprendre l'intérêt de ce treillis du point de vue des forces.
Dernière édition par Northman le Dim 7 Fév 2016 - 14:24, édité 1 fois
Northman- Messages : 547
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Charpente d'Haltdalen : Forces ... Prodigieux pour le XIIe siècle !
1/ Le poids P des planches - il n'y a pas de chevrons- et des bardeaux qui les recouvrent,
correspondant au secteur surligné en noir sur la toiture, se répercute sur la panne intermédiaire
supérieure. Il se décompose en une force fléchissante F, encaissée d'abord par l'arbalétrier (en
rouge) sur lequel repose la panne, et une force longitudinale L :
2/ La force F se trouve dans l'axe de la contrefiche qui s'articule avec l'arbalétrier très près de la
panne intermédiaire :
3/ La contrefiche transmet à l'écharpe (en vert) une force fléchissante F' inférieure à F puisque
l'arbalétrier a encaissé une partie de F en fléchissant un peu :
4/ De même, l'écharpe encaisse par flexion une partie de la force F', et la contrefiche transmet
une force F", inférieure à F', au bas de la contrefiche correspondante située de l'autre côté de la
ferme (en bleu) :
5/ Cette contrefiche opposée s'articule en son centre avec l'écharpe opposée, ce qui crée un point
O de pivotement, et un couple de forces : F" se trouve répercutée dans l'arbalétrier opposé, vers
le haut : Génial !
6/ Le schéma de forces est bien-sûr symétrique, et au final, ce treillis rigidifie l'ensemble du haut
de la ferme et permet à des poutres de sections relativement faibles d'encaisser toutes les forces
issues de la partie supérieure de la toiture avec très peu de déformations :
Pour la fin du XIIème siècle, je trouve cela prodigieux.
Dernière édition par Northman le Dim 7 Fév 2016 - 21:05, édité 11 fois
Northman- Messages : 547
Date d'inscription : 17/05/2015
Age : 62
Localisation : Normandie
Re: Norvège : Les "stavkirke", églises en "bois debout", et secondairement bien d'autres aspects de ce magnifique pays et de sa culture...
Northman a écrit:
Pour la fin du XIIème siècle, je trouve cela prodigieux.
C'est sûr! Et je ne suis pas certain qu'en ce début de 21ème siècle, beaucoup de charpentiers sachent le faire!
Cette structure est un vrai régal intellectuel, un peu comme de la musique.
Dans le domaine de l'architecture, il y aurait un super sujet à développer sur les structures de construction... C'est un domaine fascinant... (sur lequel je ne suis guère compétent)
(Juste un mot sur la présentation, Northman, si tu me le permets: en intercalant tes commentaires avec tes images, ce serait plus facile à suivre car ça éviterait de remonter du texte aux images )
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