J La mort et le deuil, "Christmas morning" et "Pentecost"
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J La mort et le deuil, "Christmas morning" et "Pentecost"
Jean-Yves Amir a écrit: Il y a effectivement une récurrence des thèmes de la mort et du deuil chez Wyeth. Parfois explicite, mais le plus souvent latente, "tapie". Elle apparait avec évidence dans ses propres commentaires : ceux qui figurent dans mon livre datent de 1995, il avait alors 78 ans. Il pouvait être angoissé par l'approche de sa propre mort, mais il me semble surtout qu'étant âgé, il pouvait se permettre de dévoiler cette préoccupation intime. Une préoccupation qu'ont tous les êtres humains mais qu'ils gardent généralement secrète.
Je prépare d'autres documents à ce sujet.
Je soupçonne un deuil du père particulièrement difficile et compliqué pour Andrew Wyeth, et l'amitié avec Christina Olson est celle deux deux êtres qui ont particulièrement bien "connu ahan", pour reprendre la citation du Général de Gaulle. Il semble aussi qu' Andrew ait eu une santé fragile au moins dans l'enfance. Winter et Christina's World sont deux tableaux "amis".
Northman- Messages : 547
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Re: J La mort et le deuil, "Christmas morning" et "Pentecost"
Northman a écrit:
As-tu du bon texte sur Winter (1946), Jean-Yves ?
Non, j'ai vérifié, rien de mieux que ce que tu as trouvé.
(très intéressant même si la coupure du texte est frustrante - j'avais arrêté de le lire à cause de ça!)
Par contre, sur Pentecost, voici le petit commentaire de Wyeth qui va te faire sauter au plafond!
(si tu penses que ça fait trop zigzaguer le sujet, on le déplacera)
Re: J La mort et le deuil, "Christmas morning" et "Pentecost"
Extraordinaire ! Le rapprochement immédiat de ce texte avec ma toute première impression de ce tableau Pentecost - un coup de foudre, je l'aime- provoque un doux arc électrique, d'une très belle lumière, qui me va droit au cœur. Non, ça n'est pas du tout une digression. Que c'est beau !
Suite ici : https://lartcommeonlaime.forumactif.org/t214p100-andrew-wyeth#3473
Dernière édition par Northman le Sam 11 Fév 2017 - 9:40, édité 17 fois
Northman- Messages : 547
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Re: J La mort et le deuil, "Christmas morning" et "Pentecost"
Et puis, au sujet de ce tableau étrange Christmas Morning qui date de 1944 - Wyeth a 27 ans -
il fait le bref commentaire suivant:
On a le sentiment qu'il ne nous dit pas tout...
il fait le bref commentaire suivant:
"My first link with death. A woman I knew had died. I painted this purely from memory. It's a strange picture. I was striving for an overall schematic of dawn colors - silvery hues."
On a le sentiment qu'il ne nous dit pas tout...
Dernière édition par Jean-Yves Amir le Lun 27 Fév 2017 - 18:25, édité 2 fois
Re: J La mort et le deuil, "Christmas morning" et "Pentecost"
"I painted this purely from memory" : Une sorte de vision intérieure qu'il tente de restituer par la peinture, sur un tableau ?
On y retrouve les collines, douces, le cadavre de la femme commençant à se fondre en elles au premier plan. La végétation aussi : Elle enlace ici. Ce thème récurrent du chemin, et à l'horizon, la lumière, en résonance via ce chemin avec la lumière qui émane du corps de la défunte, au-delà de sa matière physique, de ses molécules et atomes.
Cela me fait penser en partie aux récits communs de ceux qui ont vécu une NDE (Near Death Experience). Il y a des travaux scientifiques très rigoureux là-dessus, qui évidemment secouent ceux qui se disent "matérialistes". Cette opposition matérialisme-spiritualisme est caduque.
Northman- Messages : 547
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Re: J La mort et le deuil, "Christmas morning" et "Pentecost"
Mais je suis "matérialiste", mon ami!
Je n'ai aucune expérience de NDE (je touche du bois ) et serais bien embarrassé pour te répondre avec précision sur ce point. Ceci dit, je pense un peu comprendre ton sentiment sur ce tableau.
Mais, comme tu le disais toi-même un peu plus haut, il faut repartir de l'impression première qu'il produit, en se défiant des lectures orientées par les commentaires, y compris par ceux de l'artiste lui-même.
Oui, quelque chose de cet ordre, une image disons "onirique", voire même "surréaliste"...
J'y voyais une personne alitée - femme ou homme, on ne sait pas - avec une espèce de bandage sur la tête - peut-être blessée - qui a la tête tournée vers un paysage. Elle n'a pas une position mortuaire - contrairement à l'homme dans la neige de Spring, mais plutôt celle d'un spectateur incongru alité dans - devant - un paysage.
Profondément, ce que je ressens devant cette image - je ne connais pas le tableau en vrai - c'est une dissociation entre le sujet regardant et l'objet regardé. Un paysage glacé, glaçant, vu du regard d'une personne qui part, qui meurt peut-être, sans que cela soit explicite. Le regard du peintre lui-même?
Cette mise à distance, cette dissociation, me parait être une des clefs de l'oeuvre de Wyeth. Elle ne résume pas tout - et de loin, car ce bougre d'homme a beaucoup peint! - mais elle explique peut-être en partie l'effet particulier que produisent certains de ses tableaux.
Pour revenir à Christina's world et à Wind from the sea, cette sensation de distance / dissociation est bien celle qui éloigne Christina de la maison vers laquelle elle tend de tout son être, celle aussi qui sépare le peintre de ce qu'il voit au dehors à travers la fenêtre, qui ne vient vers lui qu'à travers les projections figurées sur les rideaux.
Chez Wyeth, je sens une hyper acuité du regard, qui à la fois le rapproche et le met définitivement à distance des choses. Cette tension a quelque chose de presque douloureux.
On dirait que dans Christmas Morning il commence à prendre conscience de ce phénomène...
Je n'ai aucune expérience de NDE (je touche du bois ) et serais bien embarrassé pour te répondre avec précision sur ce point. Ceci dit, je pense un peu comprendre ton sentiment sur ce tableau.
Mais, comme tu le disais toi-même un peu plus haut, il faut repartir de l'impression première qu'il produit, en se défiant des lectures orientées par les commentaires, y compris par ceux de l'artiste lui-même.
Northman a écrit:[justify]
"I painted this purely from memory" : Une sorte de vision intérieure qu'il tente de restituer par la peinture, sur un tableau ?
Oui, quelque chose de cet ordre, une image disons "onirique", voire même "surréaliste"...
J'y voyais une personne alitée - femme ou homme, on ne sait pas - avec une espèce de bandage sur la tête - peut-être blessée - qui a la tête tournée vers un paysage. Elle n'a pas une position mortuaire - contrairement à l'homme dans la neige de Spring, mais plutôt celle d'un spectateur incongru alité dans - devant - un paysage.
Profondément, ce que je ressens devant cette image - je ne connais pas le tableau en vrai - c'est une dissociation entre le sujet regardant et l'objet regardé. Un paysage glacé, glaçant, vu du regard d'une personne qui part, qui meurt peut-être, sans que cela soit explicite. Le regard du peintre lui-même?
Cette mise à distance, cette dissociation, me parait être une des clefs de l'oeuvre de Wyeth. Elle ne résume pas tout - et de loin, car ce bougre d'homme a beaucoup peint! - mais elle explique peut-être en partie l'effet particulier que produisent certains de ses tableaux.
Pour revenir à Christina's world et à Wind from the sea, cette sensation de distance / dissociation est bien celle qui éloigne Christina de la maison vers laquelle elle tend de tout son être, celle aussi qui sépare le peintre de ce qu'il voit au dehors à travers la fenêtre, qui ne vient vers lui qu'à travers les projections figurées sur les rideaux.
Chez Wyeth, je sens une hyper acuité du regard, qui à la fois le rapproche et le met définitivement à distance des choses. Cette tension a quelque chose de presque douloureux.
On dirait que dans Christmas Morning il commence à prendre conscience de ce phénomène...
Dernière édition par Jean-Yves Amir le Ven 10 Fév 2017 - 18:49, édité 2 fois
Re: J La mort et le deuil, "Christmas morning" et "Pentecost"
Jean-Yves Amir a écrit: Mais je suis "matérialiste", mon ami!
Qu'est-ce que la matière ?
Jean-Yves Amir a écrit: Je n'ai aucune expérience de NDE (je touche du bois ) et serais bien embarrassé pour te répondre avec précision sur ce point.
Beaucoup d'autres ont vécu ce type d'expérience, et il y a des rapports et études sérieux là-dessus. Je peux retrouver des références si tu veux. C'est un champ d'investigation comme un autre, et aucune position de principe ne peut arrêter un esprit véritablement scientifique et chercheur. C'est l'expérience qui prime par rapport aux certitudes soi-disant établies et/ou aux idéologies. Evidemment si l'on peut aussi avoir vécu une NDE personnellement cela devient un domaine beaucoup plus familier... et c'est mon cas ! Ceci dit m'en serais franchement bien passé...
Même si certains aspects du tableau Christmas morning me font penser aux rapports sur les NDE, il ne peut s'agir de cela dans le cas précis de ce tableau : La femme que connaissait Wyeth est morte, et n'est donc pas revenue d'un état de mort imminente pour raconter ce qu'elle a expérimenté. Pour aller plus loin pourrais-tu faire une mosaïque chronologique de toutes les œuvres d'Andrew Wyeth jusqu'au tournant de 1946 marqué par Winter ? Il serait intéressant de partir d'abord des œuvres et de voir si Christmas morning "détone" totalement ou non par rapport au reste, ou si l'on peut le rapprocher d'autres tableaux. Il serait aussi intéressant de savoir de quoi cette femme est décédée, et son degré de proximité avec Wyeth quand elle était encore en vie.
Par contre il faudrait revenir sur les commentaires de Wyeth associés à Trodden weed car il y évoque une opération à risque de huit heures avec un arrêt cardiaque momentané. C'est précisément dans ce genre de circonstance que peuvent être vécues des NDE. Wyeth décrit une expérience tout à fait singulière :
"... Ils disent, que pendant mon opération, mon coeur s'est arrêté de battre, une fois. A ce moment là, j'ai pu voir Dürer, debout, vêtu de noir, et il s'est mis à traverser la pièce carrelée, en venant vers moi.
Quand mon coeur s'est remis à battre, il a reculé, lui, Dürer - la mort ... "
Ce récit est intéressant : "Ils disent", cela signifie que c'est une observation objective de l'équipe chirurgicale. Comment Wyeth sait il que c'est précisément à ce moment de l'arrêt cardiaque qu'il a vu Dürer s'approcher de lui ? Et comment peut-il avoir le souvenir du fait que son cœur se soit remis à battre, et que cela soit associé au recul de Dürer ? Là nous serions plus proche de quelque chose qui pourrait vraiment ressembler à une NDE. La mort a pris pour lui le visage de Dürer, plus familier pour un peintre. Elle s'est approchée puis éloignée : Elle ne l'a pas emporté, son heure n'était pas encore venue.
La première impression que donne Trodden weed, avant toute plongée dans les détails, est celle d'un solide "terre à terre", très loin de l'expérience intérieure liée à l'opération. Wyeth a avant tout eu besoin, suite à cette opération et à l'expérience associée, de marcher, de se reconnecter avec la terre.
Jean-Yves Amir a écrit: Profondément, ce que je ressens devant cette image [Christmas morning] - je ne connais pas le tableau en vrai - c'est une dissociation entre le sujet regardant et l'objet regardé. Un paysage glacé, glaçant, vu du regard d'une personne qui part, qui meurt peut-être, sans que cela soit explicite. Le regard du peintre lui-même?
Ce qui me préoccupe le plus, c'est précisément la nature de l'objet regardé. Wyeth s'est donné du mal ( I was striving for an overall schematic of dawn colors - silvery hues) à restituer une ambiance très particulière aux teintes d'aube argentée : Il a essayé de restituer une image qui s'est imposée à lui de l'intérieur. Il ne semble pas s'agir, d'après ses mots, d'une image qu'il crée lui-même. C'est là que je verrais peut-être la distance, donc entre cette image pourtant vue de l'intérieur et Wyeth lui-même. D'où venait exactement cette image ? Question troublante.
C'est pourquoi je souhaiterais refaire une "expérience mosaïque" sauce maison avant de dire quoi que ce soit de plus de ce tableau, étrange* comme tu l'as dit plus haut en l'introduisant.
* Étymol. et Hist. 1. Ca 1050 estrange « étranger » (Alexis, éd. Chr. Storey, 608); 2. ca 1165 « hors du commun, extraordinaire » (B. de Ste-Maure, Troie, éd. Constans, 12445); 1668 par affaiblissement de sens « bizarre, singulier (ici d'une personne) » (Molière, L'avare, IV, 4). Du lat. class. extraneus « du dehors, extérieur; qui n'est pas de la famille, du pays, étranger ».
Source : http://www.cnrtl.fr/etymologie/%C3%A9trange
Northman- Messages : 547
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Pentecost (1989)
Je reprends un échange commencé plus haut à propose du tableau Pentecost pour le continuer ici. Ce post et le suivant pourront être à nouveau décalés plus loin pour la cohérence du sujet.
Je me lance dans un premier essai de traduction, certainement à corriger et affiner ensuite. J'attends l'impitoyable regard de slvybdx 007 !
" Cette peinture est presque entièrement différente de tous mes autres tempéras, parce que presque un "joli" sujet. Je pense qu'elle est belle, ce que je ne peux toujours dire à propos de mes tableaux. Je sentis l'esprit de quelque chose quand je le réalisai, et je crois avoir réussi à communiquer cet esprit [dans le tableau]. Vous voyez, à cette époque - cela se déroule bien sûr dans le Maine, sur l'île Allen, une des deux îles de ma femme-, une jeune fille fut emportée par la mer lors d'une tempête. Elle ne put être sauvée. Avec le temps le corps flotta jusqu'au large de la pointe Pemaquid. Je pensais à cette fille dérivant là, sous l'eau ["flotter sous l'eau" est un non sens], et les filets devinrent son esprit. C'est une macabre histoire mais c'est la profondeur de mon ressenti qui sauva en quelque sorte ce tableau. Ces filets sont comme la brume. J'essayai de les peindre à la brosse mais je ne pus obtenir ce bleu-froid, presque argenté, cast [?] fonte ?, et ainsi j'en vins au crayon, en l'appliquant par-dessus le tempéra. Mais c'est cette histoire de la fille qui m'empêcha de peindre ce tableau, disons par exemple, à Venise. Vous savez ce que je veux dire ?"
slvybdx a écrit:Très bon travail , Northman !! J'ai modifié quelques détails :
" Cette peinture est presque entièrement différente de tous mes autres tempéras, parce que presque un "joli" sujet. Je pense qu'elle est belle, ce que je ne peux toujours dire à propos de mes tableaux. Je sentais l'esprit de quelque chose quand je le réalisais, et je crois avoir réussi à communiquer cet esprit [dans le tableau]. Vous voyez, à cette époque - cela se déroule bien sûr dans le Maine, sur l'île Allen, une des deux îles de ma femme-, une jeune fille fut emportée par la mer lors d'une tempête. Elle ne put être sauvée. Avec le temps le corps flotta jusqu'au large de la pointe Pemaquid. Je pensais à cette fille dérivant là, sous l'eau ["flotter sous l'eau" est un non sens], et les filets devinrent son esprit. C'est une macabre histoire mais c'est la profondeur de mon ressenti qui sauve en quelque sorte ce tableau. Ces filets sont comme la brume. J'essayai de les peindre à la brosse mais je ne pus obtenir cette teinte bleu-froid, presque argentée, ( cast : teinte ), et ainsi j'en vins au crayon, en les ( les filets ) appliquant par-dessus le tempéra. Mais c'est cette histoire de la fille qui fait que je n'aurais pu peindre ce tableau ailleurs, disons par exemple, à Venise. Vous voyez ce que je veux dire ?"
Merci beaucoup slvybdx, j'aime le travail d'équipe, et là de plus je progresse en anglais. En rouge en plus, vraiment impitoyable ! Cela tombe bien, je tiens à conserver mon esprit d'enfance, dans le bon sens du terme
Localisation de l'île Allen et de la pointe Pemaquid :
Dernière édition par Northman le Sam 11 Fév 2017 - 13:23, édité 5 fois
Northman- Messages : 547
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Pentecost (1989)
En explorant Allen Island sur Google earth, j'ai retrouvé le lieu de la scène du tableau Pentecost ! En faisant très
attentivement le tour complet de cette île, on ne trouve qu'un seul site avec un quai :
C'est un petit port situé au nord-ouest de l'île :
On ne voit pas la totalité des ombres des mâts auxquels sont suspendus les filets, mais leur orientation est compatible
avec un soleil de première partie de matinée, plutôt à la fin du printemps ou en début d'été : J'estime l'azimut du soleil
dans Pentecost à environ 109° d'après le tableau de Wyeth et Google Earth. Les bâtiments n'existent pas sur le tableau,
soit parce qu'ils n'existaient pas encore en 1989, soit parce que Wyeth a effacé ceux qui étaient dans le champ visuel
de Pentecost.
Jean-Yves a écrit:Northman, si tu veux bosser sur Pentecost, voici une image plus complète (qui correspond en tous cas à celle de mon bouquin).
Sur le net, les tableaux sont souvent rognés, je m'étais fait avoir pour Wind from the sea.
Merci Jean-Yves. Sais tu où se trouve actuellement l'original ?
La Pentecôte de l'année 1989 tombe le dimanche 14 mai :
Mais je ne sais pas si cette fête a autant d'importance dans le calendrier américain. Le choix du titre Pentecost par Wyeth
pourrait être lié au fait que l'œuvre soit centrée sur une forte perception locale, sur l'île Allen, de l'esprit de la jeune fille
noyée* et que la Pentecôte est la fête chrétienne de l'Esprit-Saint, et/ou à la période de l'année à laquelle il l'a peint.
* Voir dans le post ci-dessus le texte de Wyeth et ma tentative de traduction.
Dernière édition par Northman le Sam 11 Fév 2017 - 11:00, édité 31 fois
Northman- Messages : 547
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Autour de Soaring, évolution de 1939 à 1948
Je peux essayer de faire une mosaïque par années, de 1939 à 1948, mais elle sera nécessairement approximative. Comme je le disais plus haut, ce diable d'homme a beaucoup produit, on ne saura jamais si une oeuvre importante ne nous échappe pas. Chaque fois que je cherche un peu, je découvre de nouveaux tableaux!!!Northman a écrit: Pour aller plus loin pourrais-tu faire une mosaïque chronologique de toutes les œuvres d'Andrew Wyeth jusqu'au tournant de 1946 marqué par Winter ? Il serait intéressant de partir d'abord des œuvres et de voir si Christmas morning "détone" totalement ou non par rapport au reste, ou si l'on peut le rapprocher d'autres tableaux.
Bon, je vais tenter quand même....
1939 (Wyeth a 22 ans)
1940
1941
1942
1943
1944
1945 (le 19 octobre 1945, le père d'Andrew Wyeth meurt dans un accident de voiture, sur un passage à niveau)
1946
1947
1948
Dernière édition par Jean-Yves Amir le Mer 15 Fév 2017 - 17:59, édité 12 fois
Re: J La mort et le deuil, "Christmas morning" et "Pentecost"
Pfffff!!! Ce forum est un boulot à plein temps!!!
Cette mosaïque est effectivement très intéressante.
Sous toute réserve, évidemment, car je ne suis pas toujours certain des dates des oeuvres. Et elles sont regroupées par année, sans ordre précis dans chaque regroupement.
Voici les enseignements que j'en tire, en premier jet:
1 Le style de Wyeth change en 1941-42. Il passe d'une peinture colorée assez lâche et spontanée, qu'il qualifie d'"impressionniste", à une peinture bien plus précise, descriptive et naturaliste. On y sent l'influence de Dürer, justement, dans sa façon de traiter les herbes et les feuilles. Influence confirmée par le peintre. En même temps il réduit sa palette.
(Dessins de Dürer)
2 En 1942, sa peinture devient plus sombre, ses thèmes plus inquiétants. Une certaine maison des environs de Chadd's Ford revient souvent, j'ai l'impression que c'est la même mais n'en suis pas certain. Celle qu'on voit au loin, au sol, sous le vol des rapaces...
3 Les oeuvres de 1944 sont particulièrement sombres également (ce n'est pas une sélection, c'est ce que j'ai trouvé). Et Christmas morning me parait toujours aussi atypique dans cet ensemble.
4 En 1946, il semblerait qu'il y ait un "trou" dans la production du peintre. A part Winter, on ne trouve pas grand chose... C'est à vérifier, mais il est fort possible que ce "trou" soit le contre coup de la mort de son père, évoquée à travers Winter.
5 En 1947, les lieux changent, on se trouve alors dans le Maine, et à partir de cette date, les sujets se centrent sur les Olson et leur maison. Wyeth a quitté Chadd's Ford pour quelques temps...
6 La production de Wyeth me semble assez réduite en 1947 et 1948, années dominées par la création de ces deux oeuvres majeures que sont Christina's world et Wind from the sea.
Comme si, au bout de cette trajectoire de presque 10 ans (1939 - 1948), Wyeth surmontait une épreuve de sa vie en s'affirmant à travers deux oeuvres fortes - ses plus fortes jusque là, avec Winter - et parvenait ainsi à la maturité de son art, à l'âge de trente ans.
nord"
Cette mosaïque est effectivement très intéressante.
Sous toute réserve, évidemment, car je ne suis pas toujours certain des dates des oeuvres. Et elles sont regroupées par année, sans ordre précis dans chaque regroupement.
Voici les enseignements que j'en tire, en premier jet:
1 Le style de Wyeth change en 1941-42. Il passe d'une peinture colorée assez lâche et spontanée, qu'il qualifie d'"impressionniste", à une peinture bien plus précise, descriptive et naturaliste. On y sent l'influence de Dürer, justement, dans sa façon de traiter les herbes et les feuilles. Influence confirmée par le peintre. En même temps il réduit sa palette.
(Dessins de Dürer)
2 En 1942, sa peinture devient plus sombre, ses thèmes plus inquiétants. Une certaine maison des environs de Chadd's Ford revient souvent, j'ai l'impression que c'est la même mais n'en suis pas certain. Celle qu'on voit au loin, au sol, sous le vol des rapaces...
3 Les oeuvres de 1944 sont particulièrement sombres également (ce n'est pas une sélection, c'est ce que j'ai trouvé). Et Christmas morning me parait toujours aussi atypique dans cet ensemble.
4 En 1946, il semblerait qu'il y ait un "trou" dans la production du peintre. A part Winter, on ne trouve pas grand chose... C'est à vérifier, mais il est fort possible que ce "trou" soit le contre coup de la mort de son père, évoquée à travers Winter.
5 En 1947, les lieux changent, on se trouve alors dans le Maine, et à partir de cette date, les sujets se centrent sur les Olson et leur maison. Wyeth a quitté Chadd's Ford pour quelques temps...
6 La production de Wyeth me semble assez réduite en 1947 et 1948, années dominées par la création de ces deux oeuvres majeures que sont Christina's world et Wind from the sea.
Comme si, au bout de cette trajectoire de presque 10 ans (1939 - 1948), Wyeth surmontait une épreuve de sa vie en s'affirmant à travers deux oeuvres fortes - ses plus fortes jusque là, avec Winter - et parvenait ainsi à la maturité de son art, à l'âge de trente ans.
nord"
Dernière édition par Jean-Yves Amir le Mar 14 Fév 2017 - 16:22, édité 1 fois
Re: J La mort et le deuil, "Christmas morning" et "Pentecost"
Jean-Yves Amir a écrit: Cette mosaïque est effectivement très intéressante.
Oh que oui ! Une mine ! Superbe travail ! J'essaierai de garder à l'esprit la fraîcheur de ma toute première impression, tout en plongeant dans l'analyse avec toi.
Jean-Yves Amir a écrit:Voici les enseignements que j'en tire, en premier jet:
1 Le style de Wyeth change en 1941-42. Il passe d'une peinture colorée assez lâche et spontanée, qu'il qualifie d'"impressionniste", à une peinture bien plus précise, descriptive et naturaliste. On y sent l'influence de Dürer, justement, dans sa façon de traiter les herbes et les feuilles. Influence confirmée par le peintre. En même temps il réduit sa palette.
(Dessins de Dürer)
Très intéressant, là j'apprends.
Jean-Yves Amir a écrit: 2 En 1942, sa peinture devient plus sombre, ses thèmes plus inquiétants. Une certaine maison des environs de Chadd's Ford revient souvent, j'ai l'impression que c'est la même mais n'en suis pas certain. Celle qu'on voit au loin, au sol, sous le vol des rapaces...
Oui, l'atmosphère de ses tableaux s'obscurcit, je l'ai aussi immédiatement capté. J'ai d'abord pensé Pearl Harbor, (7) décembre 1941, entrée en guerre des Etats-Unis. Impact de l'histoire collective sur cet esprit particulièrement "réceptif" et/ou éléments de l'histoire familiale ou personnelle venant obscurcir son "ciel intérieur". De toute façon impact de la Seconde Guerre Mondiale à creuser, inévitablement.
Jean-Yves Amir a écrit:3 Les oeuvres de 1944 sont particulièrement sombres également (ce n'est pas une sélection, c'est ce que j'ai trouvé). Et Christmas morning me parait toujours aussi atypique dans cet ensemble.
Oui, toujours aussi étrange au sens étymologique du terme, je suis d'accord. Je serais d'avis de le laisser de côté pour le moment.
Jean-Yves Amir a écrit:4 En 1946, il semblerait qu'il y ait un "trou" dans la production du peintre. A part Winter, on ne trouve pas grand chose... C'est à vérifier, mais il est fort possible que ce "trou" soit le contre coup de la mort de son père, évoquée à travers Winter.
C'est fort probable, j'irais dans ce sens avec toi.
Je retiens aussi la belle fraîcheur tonique des toutes premières années : La "mosaïque jeunesse", avant que le ciel se couvre, menace à l'horizon ...
Northman- Messages : 547
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Re: J La mort et le deuil, "Christmas morning" et "Pentecost"
Northman a écrit:
1 Le style de Wyeth change en 1941-42. Il passe d'une peinture colorée assez lâche et spontanée, qu'il qualifie d'"impressionniste", à une peinture bien plus précise, descriptive et naturaliste. On y sent l'influence de Dürer, justement, dans sa façon de traiter les herbes et les feuilles. Influence confirmée par le peintre. En même temps il réduit sa palette.
(...)
Très intéressant, là j'apprends.
Oui, tout cela me rappelle qu'en visitant la maison de Wyeth, sa bibliothèque, j'avais remarqué qu'il y avait un - voire plusieurs - bouquins sur Dürer. Sans savoir ce que nous avons exploré dans ce sujet, sans quoi je leur aurais prêté davantage attention.
Pour compléter en revenant à Trodden Weed:
"Auto-portrait. C'était après une opération risquée (de huit heures) du poumon. Après cela, j'ai marché à travers la campagne, autour de Chadds, reprenant des forces, et portant ces bottes françaises de cavalier qui appartenaient au peintre Howard Pyle. En marchant, je devais faire attention à mes pieds parce que j'étais peu stable. Et soudain, l'idée m'est venue que nous écrasons tous des choses sous nos pieds et que nous les détruisons - sans y penser. Cette ligne noire n'est pas simplement un procédé de composition - c'est la présence de la mort. Avant mon opération, j'avais observé les oeuvres de Dürer. Ils disent, que pendant mon opération, mon coeur s'est arrêté de battre, une fois. A ce moment là, j'ai pu voir Dürer, debout, vêtu de noir, et il s'est mis à traverser la pièce carrelée, en venant vers moi.
Quand mon coeur s'est remis à battre, il a reculé, lui, Dürer - la mort. Cette peinture est donc chargée d'émotions, dangereuse et menaçante.
Je l'aime."
Sans certitude, il me semble que Wyeth pourrait faire allusion à cette gravure de Dürer:
Le Chevalier, la Mort et le Diable (1513)
Voir ici https://fr.wikipedia.org/wiki/Le_Chevalier,_la_Mort_et_le_Diable
Il faudrait chercher mieux dans l'oeuvre de Dürer, mais à priori, je ne vois pas à quoi d'autre Wyeth pourrait faire référence...
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