G Analyses de "Wind from the sea" et de "Christina's world"
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G Analyses de "Wind from the sea" et de "Christina's world"
Les lieux étant maintenant bien repérés, et les personnages présentés, nous pouvons revenir à ces deux tableaux peints à la même époque, l'un en 1947, l'autre en 1948:
WYETH 1947 WIND FROM THE SEA (Tempera sur panneau d'isorel, 47 x 70cm, National Gallery of Art, Washington)
WYETH 1948 CHRISTINA'S WORLD (Tempera sur panneau, 81,9 x 121,3cm, MOMA New-York)
Gageons que, si l'un est le monde de Christina Olson, l'autre représente celui d'Andrew Wyeth. Ou bien, plus profondément, les deux se donnent à voir en vis à vis, comme en miroir...
En effet, pour peindre Wind from the sea Wyeth s'est placé à la fenêtre de gauche du second étage (flèche).
Et si l'on se réfère au chemin qui descend vers la mer, Christina se trouvait, dans le pré vu à travers la fenêtre, à peu près à l'emplacement indiqué par la flèche.
WYETH 1947 WIND FROM THE SEA (Tempera sur panneau d'isorel, 47 x 70cm, National Gallery of Art, Washington)
WYETH 1948 CHRISTINA'S WORLD (Tempera sur panneau, 81,9 x 121,3cm, MOMA New-York)
Gageons que, si l'un est le monde de Christina Olson, l'autre représente celui d'Andrew Wyeth. Ou bien, plus profondément, les deux se donnent à voir en vis à vis, comme en miroir...
En effet, pour peindre Wind from the sea Wyeth s'est placé à la fenêtre de gauche du second étage (flèche).
Et si l'on se réfère au chemin qui descend vers la mer, Christina se trouvait, dans le pré vu à travers la fenêtre, à peu près à l'emplacement indiqué par la flèche.
Dernière édition par Jean-Yves Amir le Ven 16 Fév 2018 - 17:47, édité 4 fois
Re: G Analyses de "Wind from the sea" et de "Christina's world"
Au premier regard, Wind from the sea se donne comme un tableau simple, presque transparent. Une fenêtre donne sur un paysage vide, un pré, un chemin, au loin une ligne d'arbres, peut-être une forêt, et un plan d'eau, la mer... En premier plan, un rideau flotte au vent.
A mieux l'observer, il offre quelques subtilités...
D'abord l'angle de vue. Il est plongeant, le point de vue est élevé, mais surtout, il est de biais. Le plan du tableau n'est pas parallèle à celui de la fenêtre mais oblique.
Cela apparait plus fortement quand on observe le tableau dans son cadre, tel qu'il est exposé à Washington. Wyeth a effectué un décrochement entre ces deux plans.
(On remarque d'ailleurs au passage que l'image du tableau que j'utilise depuis le début de ce sujet est incomplète, elle est rognée à gauche et en bas! Chuis désolé! )
Le choix de ce point vue peut se comprendre de différentes façons. D'une part, la configuration même de la pièce où se trouvait le peintre, une cloison limitant l'espace à sa gauche, orientait son regard obliquement.
A mieux l'observer, il offre quelques subtilités...
D'abord l'angle de vue. Il est plongeant, le point de vue est élevé, mais surtout, il est de biais. Le plan du tableau n'est pas parallèle à celui de la fenêtre mais oblique.
Cela apparait plus fortement quand on observe le tableau dans son cadre, tel qu'il est exposé à Washington. Wyeth a effectué un décrochement entre ces deux plans.
(On remarque d'ailleurs au passage que l'image du tableau que j'utilise depuis le début de ce sujet est incomplète, elle est rognée à gauche et en bas! Chuis désolé! )
Le choix de ce point vue peut se comprendre de différentes façons. D'une part, la configuration même de la pièce où se trouvait le peintre, une cloison limitant l'espace à sa gauche, orientait son regard obliquement.
Dernière édition par Jean-Yves Amir le Jeu 2 Fév 2017 - 17:53, édité 2 fois
Re: G Analyses de "Wind from the sea" et de "Christina's world"
Waouhhhhh!
Je ne sais pas si quelqu'un m'a suivi jusque là mais regardez ce que je viens de trouver ce soir!
C'est dingue! Explications et analyses à suivre....
J'intuitais cela depuis un moment, en me creusant la tête sur ces deux tableaux, mais là, il devient évident qu'ils ont été conçus ensemble, se répondent et font sans doute pendants.
Je ne sais pas si quelqu'un m'a suivi jusque là mais regardez ce que je viens de trouver ce soir!
C'est dingue! Explications et analyses à suivre....
J'intuitais cela depuis un moment, en me creusant la tête sur ces deux tableaux, mais là, il devient évident qu'ils ont été conçus ensemble, se répondent et font sans doute pendants.
Dernière édition par Jean-Yves Amir le Dim 5 Mar 2017 - 16:26, édité 4 fois
Re: G Analyses de "Wind from the sea" et de "Christina's world"
source http://dvlf.uchicago.edu/mot/pendantsPENDANTS en termes de Peinture, de Gravure, de Sculpture, Deux tableaux, deux estampes, deux groupes de sculpture, d' égale grandeur, représentant des objets à peu près semblables, et destinés à figurer ensemble, à se correspondre. De deux pendants, il y en a presque toujours un qui est moins bon que l' autre. Ces deux tableaux, ces deux groupes font pendants, font à peu près pendants. J' ai les deux pendants. J' achèterai cette marine pour faire pendant à une autre que j' ai déjà. J' ai perdu le pendant de cette estampe. Il faut un pendant à ce tableau. Cela servira de pendant.
Il se dit, figurément et familièrement, Des personnes ou des choses qui ont entre elles beaucoup de rapports, qui sont à peu près pareilles. Vous et lui, vous êtes les deux pendants. Cet homme est le pendant de l' autre. Voici le pendant de votre histoire. Cet homme est un original qui n' a pas son pendant.
source http://www.cnrtl.fr/definition/pendantB. − P. anal.
1. Objet d'art, de décoration symétrique d'un autre et formant la paire avec lui. Chandelier, vase, potiche, estampe, tableau et son pendant; pendants de cheminée; avoir les deux pendants.
− Loc. à valeur adv. En pendant. Symétriquement. On voyait à sa cheminée une magnifique miniature, le portrait de Charles X (...) et, en pendant, le portrait de Madame (Balzac, Secrets Cadignan, 1839, p.305).
[P. anal.]:
2. Nos épouses devraient adopter ces chapeaux-souvenirs, avec les photos, en pendants, de leur mari et de leur amant, cette dernière, bien entendu, du côté gauche, qui est celui du coeur et des liaisons extra-conjugales. T'Serstevens, Itinér. esp., 1963, p.245.
2. P. anal., fam. Personne ou chose comparable ou symétrique à une autre. Synon. contrepartie, répartie, réplique, pareil, semblable.Il n'était bruit que d'une épouvantable catastrophe arrivée au Mont-Blanc, tout à fait le pendant de l'accident du Cervin (A. Daudet, Tartarin Alpes, 1885, p.264).Balzac devait rencontrer, en chair et en os, MmeHanska, pendant de l'étonnante Adèle Hugo, de Sainte-Beuve (L. Daudet, Ariane, 1936, p.108):
3. Entre Faust et la Tentation, il y a similitude d'origines et parenté évidente des sujets: origine populaire et première, existence foraine des deux légendes, qui pourraient se disposer en «pendants», sous l'exergue commun: l'homme et le diable. Valéry, Variété V, 1944, p.203.
3. Loc. verb. Faire pendant(s) à, faire/former le pendant de, se faire pendant(s)
a) [Le suj. désigne le plus souvent un élément d'une paire] Être symétrique (à), être disposé symétriquement à. Cet édifice (...) est orné (...) de plusieurs coupoles qui se font pendant (Romains, Copains, 1913, p.157).La salle à manger formait le pendant du petit salon, avec cette différence que les murs ne s'ornaient que d'une seule peinture (Green, Chaque homme, 1960, p.228):
4. ... un jour, nous ne serons plus bons qu'à faire un grand-papa et une grand'maman, aimés pour les sucreries de leurs poches, jusqu'à ce qu'il ne reste de nous que deux portraits immobiles, faisant pendants sur les murs du salon de nos petits-enfants... Dumas fils, Fils natur., 1858, I, 1, p.73.
exemples:
Dernière édition par Jean-Yves Amir le Jeu 2 Fév 2017 - 17:55, édité 1 fois
Re: G Analyses de "Wind from the sea" et de "Christina's world"
Jean-Yves Amir a écrit:
Waouhhhhh!
Je ne sais pas si quelqu'un m'a suivi jusque là mais regardez ce que je viens de trouver ce soir!
C'est dingue! Explications et analyses à suivre....
Si si, il y en a au moins un qui a suivi : Là tu es dans le plaisir et la joie que peuvent parfois procurer des recherches persévérantes sur Internet. Il faut l'avoir vécu pour comprendre. Bravo !
C'est ce qui fait aussi que l'étiquette "forum" ne colle pas tout à fait à ce site, car la plupart ne vont pas aussi loin, ne creusent pas autant. Ici c'est autre chose... On ne vient pas balancer des messages faciles et irresponsables, on ne vient pas pisser sur les murs, et forum ne rime pas avec fourre-tout. En conséquence, cet état d'esprit, cette "philosophie" plus exigeants "filtrent" et donnent au final moins de participants, mais si c'est au bénéfice de la qualité, ça n'est pas plus mal.
Il y a certainement de quoi développer sur la complémentarité de ces deux tableaux de Wyeth...
Northman- Messages : 547
Date d'inscription : 17/05/2015
Age : 62
Localisation : Normandie
Re: G Analyses de "Wind from the sea" et de "Christina's world"
Northman a écrit:Là tu es dans le plaisir et la joie que peuvent parfois procurer des recherches persévérantes sur Internet. Il faut l'avoir vécu pour comprendre. Bravo !
Oui, ce genre de découverte est extrêmement jubilatoire!
Tout à coup, on comprend quelque chose qu'on n'avait pas saisi avant, même en "connaissant" l'artiste et ses oeuvres depuis longtemps. Cela fait comme un déclic....
Mais cela n'arrive pas tous les jours, c'est certain. Il faut surtout regarder, s'interroger, croiser des éléments en tâtonnant. Je crois que chacun peut le faire dès lors qu'il décide de creuser une question qui titille son esprit, sa pensée, sa curiosité....
Il ne s'agit pas, ici, sur ce forum, de délivrer une connaissance acquise, mais de partager la recherche et la découverte des processus qui mènent aux oeuvres, à leur création et à leur compréhension.
Re: G Analyses de "Wind from the sea" et de "Christina's world"
Jean-Yves Amir a écrit:
Il ne s'agit pas, ici, sur ce forum, de délivrer une connaissance acquise, mais de partager la recherche et la découverte des processus qui mènent aux oeuvres, à leur création et à leur compréhension.
Cette philosophie, que je partage, peut s'appliquer aussi bien à un site qu'à un forum. Elle s'incarnerait réellement dans un forum - étymologiquement la place publique, lieu d'échanges, dehors- s'il y avait partage, échange, collaboration constructive. On pourrait par exemple imaginer un sujet de recherche choisi par plusieurs membres qui ensuite le creuseraient en équipe, chacun apportant sa pierre à l'édifice. Ca pourrait d'ailleurs être aussi une bonne piste de réflexion pour l'Education Nationale... " Il ne s'agit pas de délivrer une connaissance acquise"... mais de faire que les élèves se l'approprient, quelque chose comme ça...
Je ne vais pas plus loin car ce serait un sujet à part entière, sur l'esprit du "forum", et nous sommes dans un sujet sur Wyeth.
Northman- Messages : 547
Date d'inscription : 17/05/2015
Age : 62
Localisation : Normandie
Re: G Analyses de "Wind from the sea" et de "Christina's world"
Northman a écrit:
Je ne vais pas plus loin car ce serait un sujet à part entière, sur l'esprit du "forum", et nous sommes dans un sujet sur Wyeth.
Ce début de conversation a été repris et développé dans la rubrique "Edito" Réflexions sur l'esprit, la "philosophie" du forum
Pour ce qui concerne ces deux oeuvres de Wyeth, je vais de surprises en surprises, et j'ai pas mal d'idées pour développer. Mais si tu as envie d'intervenir, n'hésite pas!
Dernière édition par Jean-Yves Amir le Dim 29 Jan 2017 - 10:57, édité 1 fois
Re: G Analyses de "Wind from the sea" et de "Christina's world"
Wind from the sea et Christina's world ne sont pas de véritables pendants car les deux tableaux ne sont pas de même dimensions.
Les voici rapportés à leurs dimensions respectives:
Mais ils offrent trop de correspondances intéressantes pour qu'on s'arrête à cet obstacle.
A commencer par leurs proportions identiques
Wind from the sea: longueur/largeur = 1,48
Christina's world: longueur/largeur = 1,475
Nous nous autoriserons donc à comparer ces deux oeuvres en tant qu'images en les rapportant aux mêmes dimensions:
Les voici rapportés à leurs dimensions respectives:
Mais ils offrent trop de correspondances intéressantes pour qu'on s'arrête à cet obstacle.
A commencer par leurs proportions identiques
Wind from the sea: longueur/largeur = 1,48
Christina's world: longueur/largeur = 1,475
Nous nous autoriserons donc à comparer ces deux oeuvres en tant qu'images en les rapportant aux mêmes dimensions:
Dernière édition par Jean-Yves Amir le Mer 1 Mar 2017 - 9:57, édité 1 fois
Re: G Analyses de "Wind from the sea" et de "Christina's world"
Récapitulons ce qui a déjà été expliqué ci-dessus:
Christina's world: point de vue en contreplongée désaxé vers la droite.
Wind from the sea: point de vue en plongée désaxé vers la gauche.
Petit rappel de perspective convergente classique:
première image: ligne d'horizon à mi hauteur, à la hauteur des yeux du bonhomme.
deuxième image: ligne d'horizon haute, point de vue plongeant (le bonhomme est perché sur une échelle)
troisième image: ligne d'horizon basse, point de vue contreplongeant (le bonhomme est assis, presque étendu au sol)
Et bien Wyeth fait exactement le contraire!!!!!!
Christina's world: point de vue en contreplongée désaxé vers la droite.
Wind from the sea: point de vue en plongée désaxé vers la gauche.
Petit rappel de perspective convergente classique:
première image: ligne d'horizon à mi hauteur, à la hauteur des yeux du bonhomme.
deuxième image: ligne d'horizon haute, point de vue plongeant (le bonhomme est perché sur une échelle)
troisième image: ligne d'horizon basse, point de vue contreplongeant (le bonhomme est assis, presque étendu au sol)
Et bien Wyeth fait exactement le contraire!!!!!!
Re: G Analyses de "Wind from the sea" et de "Christina's world"
Jean-Yves Amir a écrit:
Et bien Wyeth fait exactement le contraire!!!!!!
Pour s'en convaincre, il suffit de comparer les deux tableaux à des vues photographiques approximativement semblables.
Cette photo prise de l'étage de la maison Olson, même si ce n'est pas la même fenêtre, montre une ligne d'horizon beaucoup plus élevée que celle de Wind from the sea.
Idem pour cette vue approximativement identique à celle de Christina's world, mais à l'inverse, car cette fois la ligne d'horizon est bien plus basse que dans le tableau.
Donc, dans Christina's world, Wyeth surélève sa perspective, et dans Wind from the sea, il la surbaisse.
Dernière édition par Jean-Yves Amir le Jeu 2 Fév 2017 - 17:57, édité 1 fois
Re: G Analyses de "Wind from the sea" et de "Christina's world"
Ces distorsions perspectives, sciemment construites par le peintre, expliquent qu'aucune photo ne puisse correspondre ni à l'un ni à l'autre des deux tableaux.
Je serais curieux de voir une photo prise depuis la fenêtre de Wind from the sea mais je n'en ai pas trouvé, sinon celle-ci qui n'est pas fameuse. En tous les cas, on distingue quand même que dans la photo, la ligne supérieure du paysage est beaucoup plus haut placée que dans le tableau.
Je serais curieux de voir une photo prise depuis la fenêtre de Wind from the sea mais je n'en ai pas trouvé, sinon celle-ci qui n'est pas fameuse. En tous les cas, on distingue quand même que dans la photo, la ligne supérieure du paysage est beaucoup plus haut placée que dans le tableau.
Dernière édition par Jean-Yves Amir le Ven 3 Mar 2017 - 11:15, édité 4 fois
Re: G Analyses de "Wind from the sea" et de "Christina's world"
D'une certaine façon, ces distorsions correspondent en fait à la construction perspective d'un plan incliné.
Lorsqu'on veut construire la perspective d'une échelle ou d'un escalier, par exemples, on crée un point de fuite surélevé par rapport à celui de la vue horizontale. Une seconde ligne d'horizon, si on préfère, placée au dessus ou au dessous de la première, selon qu'on souhaite une pente montante ou descendante.
Lorsqu'on veut construire la perspective d'une échelle ou d'un escalier, par exemples, on crée un point de fuite surélevé par rapport à celui de la vue horizontale. Une seconde ligne d'horizon, si on préfère, placée au dessus ou au dessous de la première, selon qu'on souhaite une pente montante ou descendante.
Dernière édition par Jean-Yves Amir le Jeu 2 Fév 2017 - 17:59, édité 1 fois
Re: G Analyses de "Wind from the sea" et de "Christina's world"
Un schéma perspectif de Christina's world donne ceci.
Le visage de la jeune femme, son regard, est placé au centre du tableau. Une première ligne d'horizon (ligne rouge) devrait être située à cette hauteur, nous aurions alors une construction correspondant au troisième schéma ci-dessus (bonhomme assis dans la rue, vue en contreplongée).
Mais Wyeth construit les maisons sur une ligne d'horizon bien plus haut placée (ligne rose), ce qui a pour conséquence d'augmenter considérablement l'effet de pente montante du pré.
Pour être complet, ajoutons que la ligne du corps de Christina se dessine sur l'une des diagonales du tableau, que l'axe de son torse est orienté vers la grande maison (oblique jaune) et que l'appui de sa main droite se trouve à l'aplomb de la grange (verticale blanche).
Le visage de la jeune femme, son regard, est placé au centre du tableau. Une première ligne d'horizon (ligne rouge) devrait être située à cette hauteur, nous aurions alors une construction correspondant au troisième schéma ci-dessus (bonhomme assis dans la rue, vue en contreplongée).
Mais Wyeth construit les maisons sur une ligne d'horizon bien plus haut placée (ligne rose), ce qui a pour conséquence d'augmenter considérablement l'effet de pente montante du pré.
Pour être complet, ajoutons que la ligne du corps de Christina se dessine sur l'une des diagonales du tableau, que l'axe de son torse est orienté vers la grande maison (oblique jaune) et que l'appui de sa main droite se trouve à l'aplomb de la grange (verticale blanche).
Dernière édition par Jean-Yves Amir le Sam 21 Jan 2017 - 17:37, édité 1 fois
Re: G Analyses de "Wind from the sea" et de "Christina's world"
Revenons maintenant à Wind from the sea.
Une fenêtre, une croisée, coulissante est entrouverte. Elle donne sur un pré qui descend vers la mer. Un vent léger soulève les voilages.
Le tableau s'organise selon une logique de croisements multiples, sur différents registres.
Ses lignes de forces:
- des lignes droites verticales, horizontales ou légèrement obliques en fonction de la perspective, construisent une structure solide (lignes bleues sur le schéma ci-dessous).
- des courbes, à la fois souples et tendues, s'entrecroisent: celles du paysage et du chemin (en rouge), celles du rideau (en orange).
Deux trames s'opposent et se répondent.
Par ce jeu de lignes, le peintre oppose et superpose d'une part la structure rigide de la fenêtre au mouvement ondulant du rideau, d'autre part les courbes extérieures du paysage avec les courbes intérieures du rideau.
Mais ce n'est pas tout: les ombres de la fenêtre viennent se porter sur les courbes du rideau (en jaune sur le schéma ci-dessus), croisant droites et courbes par projection.
Une fenêtre, une croisée, coulissante est entrouverte. Elle donne sur un pré qui descend vers la mer. Un vent léger soulève les voilages.
Le tableau s'organise selon une logique de croisements multiples, sur différents registres.
Ses lignes de forces:
- des lignes droites verticales, horizontales ou légèrement obliques en fonction de la perspective, construisent une structure solide (lignes bleues sur le schéma ci-dessous).
- des courbes, à la fois souples et tendues, s'entrecroisent: celles du paysage et du chemin (en rouge), celles du rideau (en orange).
Deux trames s'opposent et se répondent.
Par ce jeu de lignes, le peintre oppose et superpose d'une part la structure rigide de la fenêtre au mouvement ondulant du rideau, d'autre part les courbes extérieures du paysage avec les courbes intérieures du rideau.
Mais ce n'est pas tout: les ombres de la fenêtre viennent se porter sur les courbes du rideau (en jaune sur le schéma ci-dessus), croisant droites et courbes par projection.
Dernière édition par Jean-Yves Amir le Ven 3 Mar 2017 - 11:16, édité 4 fois
Wind from the sea : Flux d'air (1)
Jean-Yves : " Deux trames s'opposent et se répondent.
Par ce jeu de lignes, le peintre oppose et superpose d'une part la structure rigide de la fenêtre au mouvement ondulant
du rideau, d'autre part les courbes extérieures du paysage avec les courbes intérieures du rideau."
Les courbes intérieures du rideau, les principales que tu as surlignées en orange, mais aussi toutes les secondaires,
blanches, très fines, prouesse de peintre, semblent matérialiser le vent, le rendre visible, palpable, tout comme les
lignes de flux sur les cartes météorologiques spécialisées par exemple de Météo France, modèle prévisionnel Arome :
Bien sûr, le vent dans les rideaux du tableau est à une échelle micro-aérologique et non à l'échelle météorologique,
mais il y a une analogie. Le tableau est une oeuvre d'art alors que la carte météo est très scientifique... mais je me
suis quand-même permis d'oser intervenir en espérant que ça sera constructif. Si ça n'est pas approprié,
je supprime ce post sans états d'âme.
En aérodynamique, ils cherchent aussi à rendre visibles les flux d'air invisibles.
Exemples issus d'une soufflerie à fumée :
Ici nous voyons aussi des flux turbulents, des tourbillons, alors que les flux de la
carte Météo France sont laminaires. Ceux du tableau de Wyeth sont principalement
laminaires mais en y regardant de plus près...
Autre exemple de matérialisation de flux d'air : Un tourbillon de rue par des feuilles
mortes ou des poussières.
Bien entendu sur le tableau de Wyeth les petites lignes élémentaires du rideau ne sont
pas libres comme la poussière, les feuilles mortes ou les particules de fumée de la
soufflerie expérimentale : Elles sont liées entre elles dans la trame textile. Cependant,
même si les ondulations du rideau ne peuvent être libres comme l'air, il m'a semblé que
le peintre a atteint cette subtilité tendant à rendre visibles des flux d'air invisibles.
Dernière édition par Northman le Mar 31 Jan 2017 - 22:21, édité 2 fois
Northman- Messages : 547
Date d'inscription : 17/05/2015
Age : 62
Localisation : Normandie
Re: G Analyses de "Wind from the sea" et de "Christina's world"
Oui, bien vu!Northman a écrit:
Bien sûr, le vent dans les rideaux du tableau est à une échelle micro-aérologique et non à l'échelle météorologique,
mais il y a une analogie.
L'analogie de formes entre ton image météorologique et le tableau de Wyeth est frappante, même si on n'est pas dans le même registre ni à la même échelle.
Cependant, même si les ondulations du rideau ne peuvent être libres comme l'air, il m'a semblé que le peintre a atteint cette subtilité tendant à rendre visibles des flux d'air invisibles.
En peinture, on l'imagine, traduire le léger mouvement de l'air, le vent de mer, est une gageure. Wyeth y parvient grâce à ce voilage fatigué qui s'effiloche à ses extrémités où la trame se réduit à quelques fils.
(Je ne rebondis pas sur la "machine à fumée" de Jules-Etienne Marey afin de ne pas trop digresser par rapport à la suite de mon propos sur Wyeth, mais il y aurait certainement un projet/sujet passionnant à ouvrir sur les représentations du mouvement où l'on pourrait croiser nos connaissances scientifiques, techniques et artistiques....)
Dernière édition par Jean-Yves Amir le Jeu 2 Fév 2017 - 18:05, édité 1 fois
Wind from the sea : Flux d'air (2)
Il me semble que Wyeth, surtout en bas et à droite du tableau, privilégie volontairement la représentation des flux d'air
au détriment de la réalité liée aux contraintes physiques de la trame du textile avec son maillage à angles droits, dont
l'élasticité a quand-même des limites ! Regardez l'orientation des lignes secondaires rouges par rapport à la ligne
majeure jaune. En y regardant de près on semble sortir des lois de la physique et de ce que donnerait un rideau réel :
Sur un rideau réel la courbe surlignée en rouge ci-dessus serait affectée d'une inflexion ou d'une discontinuité (au sens
mathématique), voire d'une rupture au passage du gros pli surligné en jaune. Non, sur le tableau cette courbe rouge
semble allègrement "ignorer" le passage du pli jaune. Il y a là un passage du réel à l'imaginaire.
La représentation du maillage textile est globalement plus évaporée en bas à droite du tableau,
en gros dans ce cadre gris :
Le maillage est cependant discrètement rappelé en bas à droite du tableau :
La trame est très présente, plus dense par exemple dans ces cercles bleus. Le nombre, la blancheur, ou le contraste
avec le fond - donc la visibilité - des petites fibres perpendiculaires à celles qui épousent le flux d'air y sont plus
importants qu'en bas à droite du tableau :
Cet estompage subtil de la représentation des mailles du textile au bénéfice de cette impression de pénétration du vent
dans la pièce, de la gauche vers la droite et du haut vers le bas, ceci dans le quart inférieur droit du tableau, est
absolument ingénieux : On passe presque imperceptiblement du rideau réel à de quasi-pures lignes de flux d'air, ce qui
donne une impression de légèreté fluide et d'accentuation de l'ouverture. Le rideau devient vent.
Bien sûr c'est une simple observation d'amateur incompétent en peinture. Qu'en penses-tu Jean-Yves ? Et si ces
observations sont pertinentes, cela n'a pas dû passer à côté du regard des spécialistes de Wyeth ?
Zoom sur la trame du rideau, là où elle est bien soulignée, ... et sur l'oiseau qui semble venir de la mer et suivre
le chemin... oiseau dans la trame, mais dans l'horizontalité d'un vol plutôt libre et indépendant des contraintes du
maillage-cage du rideau, quand on le regarde attentivement et de près... On retrouve cette liberté prise par rapport
à la trame textile pour représenter les flux d'air... Oiseau venant de la mer, libre comme l'air...
Wind from the sea...
Dernière édition par Northman le Mer 1 Fév 2017 - 14:46, édité 1 fois
Northman- Messages : 547
Date d'inscription : 17/05/2015
Age : 62
Localisation : Normandie
Re: G Analyses de "Wind from the sea" et de "Christina's world"
Northman a écrit: On retrouve cette liberté prise par rapport à la trame textile pour représenter les flux d'air... Oiseau venant de la mer, libre comme l'air...
Haha, Northman, je vois que tu es en train de te prendre au jeu de Wind from the sea!
Ce tableau est formidable parce qu'au premier regard, il parait vide, rien de spectaculaire. Et puis, si on s'attarde, on y découvre des merveilles de subtilité, d'intelligence et de poésie...
Bien sûr c'est une simple observation d'amateur incompétent en peinture. Qu'en penses-tu Jean-Yves ? Et si ces
observations sont pertinentes, cela n'a pas dû passer à côté du regard des spécialistes de Wyeth ?
Il existe sans doute des analyses de cette oeuvre aux USA. Mais en France (en Europe?) cet artiste est mal connu, même par les "spécialistes". Au mieux, Wyeth est catalogué "peintre réaliste régionaliste" américain, et puis terminé. Donc je pense que le travail que nous faisons ici, s'il est lu, peut contribuer à le faire mieux connaître.
Quant à l'amateur incompétent en peinture, dès lors qu'il regarde avec attention et réfléchit à ce qu'il voit, il devient vite aussi compétent que le compétent en peinture!
Dernière édition par Jean-Yves Amir le Mer 1 Fév 2017 - 14:02, édité 1 fois
Re: G Analyses de "Wind from the sea" et de "Christina's world"
Je reprends quelques unes de tes observations en y ajoutant mon grain de sel.
1 La trame: la trame du voilage répète, sous forme de "micro structure", la "macro structure" du tableau constituée, elle aussi, d'un croisement de lignes souples (Cf explications ci-dessus).
1 La trame: la trame du voilage répète, sous forme de "micro structure", la "macro structure" du tableau constituée, elle aussi, d'un croisement de lignes souples (Cf explications ci-dessus).
Dernière édition par Jean-Yves Amir le Mer 1 Fév 2017 - 16:33, édité 1 fois
Re: G Analyses de "Wind from the sea" et de "Christina's world"
2 Matérialisation du vent et de la lumière
Comme Northman l'a très bien montré, le dessin du voilage permet au peintre de matérialiser le flux d'air.
Il lui permet aussi de matérialiser l'entrée de la lumière: sur le rideau viennent se projeter les ombres portées de la fenêtre.
Si on prolonge l'oblique de l'ombre sur le chassis de la fenêtre, et si on la croise avec les lignes de projection du chassis sur le rideau (pointillés rouges), on obtient le schéma suivant qui indique approximativement la position du soleil.
(La fenêtre étant grosso modo orientée vers l'ouest, la lumière vient du sud-ouest)
Ce jeu d'ombres permet à Wyeth d'entremêler tous les éléments : les lignes du cadre de la fenêtre, en se projetant sur les lignes flottantes du rideau viennent rimer avec les courbes du paysage.
Cette aquarelle préparatoire montre que le peintre avait dès le départ l'intention de croiser vent et lumière, mais qu'il a condenser son sujet en resserrant le cadre et en portant les ombres non pas au sol mais sur le rideau lui-même.
Comme Northman l'a très bien montré, le dessin du voilage permet au peintre de matérialiser le flux d'air.
Il lui permet aussi de matérialiser l'entrée de la lumière: sur le rideau viennent se projeter les ombres portées de la fenêtre.
Si on prolonge l'oblique de l'ombre sur le chassis de la fenêtre, et si on la croise avec les lignes de projection du chassis sur le rideau (pointillés rouges), on obtient le schéma suivant qui indique approximativement la position du soleil.
(La fenêtre étant grosso modo orientée vers l'ouest, la lumière vient du sud-ouest)
Ce jeu d'ombres permet à Wyeth d'entremêler tous les éléments : les lignes du cadre de la fenêtre, en se projetant sur les lignes flottantes du rideau viennent rimer avec les courbes du paysage.
Cette aquarelle préparatoire montre que le peintre avait dès le départ l'intention de croiser vent et lumière, mais qu'il a condenser son sujet en resserrant le cadre et en portant les ombres non pas au sol mais sur le rideau lui-même.
Dernière édition par Jean-Yves Amir le Mer 1 Mar 2017 - 19:08, édité 3 fois
Re: G Analyses de "Wind from the sea" et de "Christina's world"
3 Les oiseaux sur le voilage
Et oui, c'est merveilleux!
Il sont discrets ces oiseaux tissés dans les mailles du voilage, mais effectivement ils viennent de la mer et remontent le pré en suivant le trajectoire du chemin!
Là aussi, en observant ces deux aquarelles préparatoires, on voit que l'idée s'est mise en place petit à petit. Car avant d'être "incrustés" dans le voilage, les oiseaux volaient dans le paysage, visibles dans l'intervalle entre les deux pans du rideau pour la première, et à travers le pan de gauche pour la seconde .
Northman a écrit:
Zoom sur la trame du rideau, là où elle est bien soulignée, ... et sur l'oiseau qui semble venir de la mer et suivre
le chemin... oiseau dans la trame, mais dans l'horizontalité d'un vol plutôt libre et indépendant des contraintes du
maillage-cage du rideau, quand on le regarde attentivement et de près... On retrouve cette liberté prise par rapport
à la trame textile pour représenter les flux d'air... Oiseau venant de la mer, libre comme l'air...
Et oui, c'est merveilleux!
Il sont discrets ces oiseaux tissés dans les mailles du voilage, mais effectivement ils viennent de la mer et remontent le pré en suivant le trajectoire du chemin!
Là aussi, en observant ces deux aquarelles préparatoires, on voit que l'idée s'est mise en place petit à petit. Car avant d'être "incrustés" dans le voilage, les oiseaux volaient dans le paysage, visibles dans l'intervalle entre les deux pans du rideau pour la première, et à travers le pan de gauche pour la seconde .
Dernière édition par Jean-Yves Amir le Mer 1 Mar 2017 - 19:09, édité 1 fois
Re: G Analyses de "Wind from the sea" et de "Christina's world"
Et maintenant, je pose la question à Northman, mais aussi à toutes nos lectrices et à tous nos lecteurs:
si on synthétise les points 1, 2 et 3, à quelle idée arrivons nous?
si on synthétise les points 1, 2 et 3, à quelle idée arrivons nous?
Re: G Analyses de "Wind from the sea" et de "Christina's world"
Jean-Yves Amir a écrit:Et maintenant, je pose la question à Northman, mais aussi à toutes nos lectrices et à tous nos lecteurs:
si on synthétise les points 1, 2 et 3, à quelle idée arrivons nous?
J'ai mon idée mais je laisse du temps afin que d'éventuels lectrices ou lecteurs se lancent.
Jean-Yves pourrais-tu capter une vue satellite Google Earth de la maison et de son terrain en respectant le Nord en haut ? Ce serait pour développer un autre point, lui aussi en rapport avec le soleil, le vent et les oiseaux du tableau.
Northman- Messages : 547
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Re: G Analyses de "Wind from the sea" et de "Christina's world"
Je suis curieux de savoir si, à partir de ces observations objectives, on arrive aux mêmes conclusions.Northman a écrit:
J'ai mon idée mais je laisse du temps afin que d'éventuels lectrices ou lecteurs se lancent.
Mais tu as raison, attendons un peu....
OK, je prépare ça.
Jean-Yves pourrais-tu capter une vue satellite Google Earth de la maison et de son terrain en respectant le Nord en haut ? Ce serait pour développer un autre point, lui aussi en rapport avec le soleil, le vent et les oiseaux du tableau.
Re: G Analyses de "Wind from the sea" et de "Christina's world"
Et hop!
C'est la maison avec le M pour Museum.
On voit que le petit chemin a été bien goudronné depuis....
C'est la maison avec le M pour Museum.
On voit que le petit chemin a été bien goudronné depuis....
Dernière édition par Jean-Yves Amir le Jeu 2 Fév 2017 - 18:07, édité 1 fois
Re: G Analyses de "Wind from the sea" et de "Christina's world"
Ces deux oiseaux des rideaux suggèrent une puissante dynamique, un passage de la verticale au-dessus de la mer,
en piqué, à l'horizontale en suivant le chemin :
Cette dynamique renforce la sensation de liberté des oiseaux, leur "indépendance" par rapport à la trame-cage textile
à laquelle ils sont pourtant, au premier abord, constitutivement très liés. Cela me rappelle un peu Jacques Prévert...
Merci Jean-Yves pour la vue satellite. J'ai regardé la formes des côtes du secteur, très découpée, et il faut que je retrouve
la traduction anglaise exacte de l'expression française "brise de mer", phénomène météorologique côtier bien précis.
Quelqu'un la connaîtrait ?
Dernière édition par Northman le Mer 1 Fév 2017 - 20:17, édité 4 fois
Northman- Messages : 547
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Re: G Analyses de "Wind from the sea" et de "Christina's world"
sea breeze .... that's all !!!Northman a écrit:
il faut que je retrouve
la traduction anglaise exacte de l'expression française "brise de mer", phénomène météorologique côtier bien précis.
Quelqu'un la connaîtrait ?
slvybdx- Messages : 5
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Re: G Analyses de "Wind from the sea" et de "Christina's world"
slvybdx a écrit:
sea breeze .... that's all !!!
Thank you very much ! And that's true :
Si Wyeth avait voulu précisément évoquer la brise de mer, son tableau n'aurait pas été intitulé wind of the sea, vent de mer, mais sea breeze, brise de mer. Cela élimine donc une interprétation peu probable mais possible de la dynamique des deux oiseaux, l'oiseau en piqué représentant l'air descendant au-dessus de la mer - normalement plus au large- et l'oiseau en vol horizontal la brise soufflant de la mer vers la terre dans la journée sur la côte, par temps ensoleillé, et surtout quand le soleil est au plus haut dans sa course apparente. La dynamique des deux oiseaux est donc plutôt symbolique, le vent de mer n'étant qu'horizontal au-dessus de la mer, sur la côte et à l'intérieur des terres proches.
Si l'oiseau au vol horizontal qui suit le chemin va dans le sens du vent, est porté par ce dernier, l'oiseau vertical en piqué, descendant droit du ciel, symbolise tout autre chose. Plusieurs hypothèses sont possibles...
Northman- Messages : 547
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Re: G Analyses de "Wind from the sea" et de "Christina's world"
Il me semble de plus en plus que les deux oiseaux constituent deux phases d'un instantané épuré au maximum : C'est le même oiseau qui semble décrire une trajectoire bien précise, donc un redressement du piqué à un vol horizontal suivant le chemin vers la maison. Ce mouvement renforce les autres, et tous ensemble ils donnent un résultat d'une grande puissance dynamique ! Ou comment inscrire le mouvement, et même un mouvement invisible, celui du vent, dans un tableau. Vol virtuose de l'oiseau, flux d'air avec ce rideau qui devient vent, et mouvement sur terre suggéré par le chemin :
Et ce puissant souffle dynamique venu à la fois du ciel-lumière et du grand large pénètre, via cette fenêtre, dans une maison, dans un univers physiquement étriqué où vit une femme, Christina Olson, amie du peintre et de sa femme, atteinte d'une maladie qui entrave fortement ... sa motricité physique, son rayon de déplacement. Mais qu'en est-il de sa "motricité spirituelle", de la force, de la vivacité de son esprit, esprit si bien symbolisé par l'oiseau - en particulier dans sa phase plongeante verticale- et le souffle du vent ?
Ce symbolisme de l'oiseau descendant droit du ciel-feu-lumière en piqué, et celui du vent, du souffle, sont très clairement liés à l'Esprit-Saint dans le christianisme. J'ai vu que Wyeth a peint un magnifique tableau intitulé "Pentecost". La Pentecôte, c'est la fête de l'Esprit-Saint, mais c'est aussi le nom de l'île sur laquelle se situerait la scène*... avec du vent dans des filets... Je ne sais pas si Wyeth et/ou les Olson étaient pénétrés de
culture voire de pratique chrétienne, et si oui, à quel degré.
Andrew Wyeth, Pentecost, 1989. Sublime :
Il y a des points communs frappants avec Wind from the sea.
Ceci dit la dynamique de "Wind of the sea" peut se lire aussi d'une façon uniquement naturelle, dans une puissante interaction entre les éléments feu-lumière, air, terre et eau... C'est pourquoi je parlais plus haut de plusieurs hypothèses possibles à propos de l'oiseau. Et ce chemin sur lequel Christina Olson ne pouvait physiquement marcher, et qui semble "dynamisé" par le vent de mer et le vol de l'oiseau ...
Tout cela vous parle ? Il y a certainement encore à dire, avec les barreaux de la fenêtre et les ombres portées sur le rideau...
Et ce lien entre les deux tableaux Christina's world et Wind of the sea, si bien vu par Jean-Yves... Contraste saisissant entre la légèreté aérienne ultra-mobile du vol virtuose de l'oiseau, quintessence de Wind from the sea, et Christina Olson qui se déplace péniblement, presque en rampant, sur l'herbe de Christina's world, avec cette emprise de la gravité dans les deux sens du terme : Gravitation qui la colle au sol, et gravité qui nous saisit soudainement quand on passe du premier coup d'oeil sur ce joli corps de femme en robe d'été vue de dos, à ses pauvres bras et mains...
Wind from the sea, c'est littéralement "vent (venant)de (la) mer", mais après tout ce que nous venons de voir je préfère... vent du large... Et même, vent du Large...
* Information à recouper : "Wyeth titled this painting Pentecost in part because it was composed on Pentecost Island."Source : https://sarahasousa.com/2014/02/28/andrew-wyeths-pentecost-and-a-pushcart-nominated-poem
Pentecost m'interpelle mais j'ai du mal à trouver pour le moment de la littérature sur ce tableau, qui fait pourtant partie des oeuvres majeures citées dans l'introduction de ce livre à venir à l'occasion des cent ans de la naissance de A. Wyeth :
Northman- Messages : 547
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Re: G Analyses de "Wind from the sea" et de "Christina's world"
Northman a écrit:[justify]
Ce symbolisme de l'oiseau descendant droit du ciel-feu-lumière en piqué, et celui du vent, du souffle, sont très clairement liés à l'Esprit-Saint dans le christianisme.
Honnêtement, Northman, je te suis difficilement sur ce terrain là car rien, à ma connaissance, dans la peinture de Wyeth n'indique des préoccupations religieuses. Je ne sais pas, moi non plus, s'il avait une "pratique chrétienne"; mais peu importe car à vrai dire, cela ne nous regarde pas si ses tableaux n'orientent pas eux mêmes leur lecture dans ce sens. Et dans les commentaires qu'il fait de ses oeuvres, dont j'ai cité quelques exemples, rien n'indique non plus une telle approche.
Wyeth porte un regard extrêmement attentif sur son environnement quotidien, sur les gens, les choses, les lieux... Un regard si concentré qu'il donne une sorte d'étrangeté aux choses qu'il peint. Cela leur donne un caractère parfois presque onirique, comme dans Spring (1978) ou dans Night sleeper (1979), ce qui me semble très éloigné d'une approche empreinte de religiosité, voire même incompatible.
Le tableau Pentecote est magnifique, mais comme tu le dis toi-même, il tire son titre du lieu où il a été peint. Et il me semble difficile de voir une quelconque allusion chrétienne dans ces filets de pêcheurs séchant au vent.
Re: G Analyses de "Wind from the sea" et de "Christina's world"
Northman a écrit:
Tout cela vous parle ? Il y a certainement encore à dire, avec les barreaux de la fenêtre et les ombres portées sur le rideau...
Et ce lien entre les deux tableaux Christina's world et Wind of the sea, si bien vu par Jean-Yves... Contraste saisissant entre la légèreté aérienne ultra-mobile du vol virtuose de l'oiseau, quintessence de Wind from the sea, et Christina Olson qui se déplace péniblement, presque en rampant, sur l'herbe de Christina's world, avec cette emprise de la gravité dans les deux sens du terme : Gravitation qui la colle au sol, et gravité qui nous saisit soudainement quand on passe du premier coup d'oeil sur ce joli corps de femme en robe d'été vue de dos, à ses pauvres bras et mains...
Par contre, là oui, je te suis tout à fait dans ta lecture: tu formules très bien ce qui lie, et oppose en même temps, les deux tableaux.
Re: G Analyses de "Wind from the sea" et de "Christina's world"
Jean-Yves Amir a écrit:Northman a écrit:
Ce symbolisme de l'oiseau descendant droit du ciel-feu-lumière en piqué, et celui du vent, du souffle, sont très clairement liés à l'Esprit-Saint dans le christianisme.
Honnêtement, Northman, je te suis difficilement sur ce terrain là car rien, à ma connaissance, dans la peinture de Wyeth n'indique des préoccupations religieuses. Je ne sais pas, moi non plus, s'il avait une "pratique chrétienne"; mais peu importe car à vrai dire, cela ne nous regarde pas si ses tableaux n'orientent pas eux mêmes leur lecture dans ce sens. Et dans les commentaires qu'il fait de ses oeuvres, dont j'ai cité quelques exemples, rien n'indique non plus une telle approche.
Wyeth porte un regard extrêmement attentif sur son environnement quotidien, sur les gens, les choses, les lieux... Un regard si concentré qu'il donne une sorte d'étrangeté aux choses qu'il peint. Cela leur donne un caractère parfois presque onirique, comme dans Spring (1978) ou dans Night sleeper (1979), ce qui me semble très éloigné d'une approche empreinte de religiosité, voire même incompatible.
Le tableau Pentecote est magnifique, mais comme tu le dis toi-même, il tire son titre du lieu où il a été peint. Et il me semble difficile de voir une quelconque allusion chrétienne dans ces filets de pêcheurs séchant au vent.
Jean-Yves, tu extrais ma phrase de son contexte, et évidemment il faut lire ce qui suit : "Je ne sais pas si Wyeth et/ou les Olson étaient pénétrés de culture voire de pratique chrétienne, et si oui, à quel degré"... Donc ça n'est qu'une lecture possible. Ce qui est certain, c'est qu'ils sont américains, et qu'il y a forcément un certain degré d'imprégnation de culture chrétienne dans ce pays.
Et la suite, il faut aussi la lire : " Ceci dit la dynamique de Wind of the sea peut se lire aussi d'une façon uniquement naturelle, dans une puissante interaction entre les éléments feu- lumière, air, terre et eau... C'est pourquoi je parlais plus haut de plusieurs hypothèses possibles à propos de l'oiseau ..."
Je reprends la phrase que tu as extraite : "Ce symbolisme de l'oiseau descendant droit du ciel-feu-lumière en piqué, et celui du vent, du souffle, sont très clairement liés à l'Esprit-Saint dans le christianisme."
C'est une réalité évidente, mais - et c'est là qu'li faut bien remettre les choses en place- je ne dis absolument pas qu'elle est reprise par Wyeth : Je m'en garde bien en signifiant clairement que c'est une piste possible, et qu'il y a au moins une autre lecture possible. C'est donc clair quand on lit la suite de la phrase.
Il ne faut pas voir rouge dès qu'on voit le mot "chritianisme" ! On peut quand-même évoquer l'hypothèse...
Du coup tu ne parles pas de tout le développement qui précède sur l'oiseau...
Donc je n'embarque personne sur ce "terrain", j'évoque simplement et calmement une hypothèse parmi d'autres. Le tableau Pentecost ainsi que son contexte méritent quand-même d'être creusés, et je ne suis pas certain que le titre ne puisse avoir un double sens. Tu en es d'emblée certain, tu es catégorique ? Tu as trouvé de la bonne littérature sur Pentecost ?
mais comme tu le dis toi-même, il tire son titre du lieu où il a été peint
J'emploie le conditionnel, je n'ai pas encore pu recouper l'info. Et pourtant j'ai cherché !
* Information à recouper : "Wyeth titled this painting Pentecost in part because it was composed on Pentecost Island." : "In part", donc.
Et il me semble difficile de voir une quelconque allusion chrétienne dans ces filets de pêcheurs séchant au vent.
Pas si sûr. Tout dépend aussi de ton degré de culture chrétienne.
10.02.2016 : La toile Pentecost n'a pas été réalisée sur l'île de Pentecôte, mais sur celle d'Allen, dans le Maine. Voir ici : https://lartcommeonlaime.forumactif.org/t214p75-andrew-wyeth#3466
Ce titre a donc bien été choisi en rapport avec la fête chrétienne de l'Esprit-Saint, en tout cas il est très peu probable qu'il y ait un rapport avec l'île de Pentecôte.
Wyeth porte un regard extrêmement attentif sur son environnement quotidien, sur les gens, les choses, les lieux... Un regard si concentré qu'il donne une sorte d'étrangeté aux choses qu'il peint. Cela leur donne un caractère parfois presque onirique, comme dans Spring (1978) ou dans Night sleeper (1979), ce qui me semble très éloigné d'une approche empreinte de religiosité, voire même incompatible.
De religiosité, certainement, de spiritualité, là c'est moins sûr... en tout cas dans Wind of the sea et Pentecost. Et ton mot parle de lui même, "religiosité", c'est du superficiel, du "saint-frusquin". Wyeth et superficialité, ça ne rime pas vraiment.
Mais en profondeur, quand on se donne la peine de creuser après avoir bazardé toutes les couches superficielles de saint-frusquin, spiritualité et religion ne sont pas incompatibles et rien n'interdit, sauf auto-censures idéologiques contraires à la liberté de penser et d'expérimenter, d'explorer aussi ce domaine, avec toutes les précautions du chercheur.
Dernière édition par Northman le Ven 10 Fév 2017 - 7:25, édité 4 fois
Northman- Messages : 547
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Re: G Analyses de "Wind from the sea" et de "Christina's world"
Jean-Yves Amir a écrit:Northman a écrit:
Tout cela vous parle ? Il y a certainement encore à dire, avec les barreaux de la fenêtre et les ombres portées sur le rideau...
Et ce lien entre les deux tableaux Christina's world et Wind of the sea, si bien vu par Jean-Yves... Contraste saisissant entre la légèreté aérienne ultra-mobile du vol virtuose de l'oiseau, quintessence de Wind from the sea, et Christina Olson qui se déplace péniblement, presque en rampant, sur l'herbe de Christina's world, avec cette emprise de la gravité dans les deux sens du terme : Gravitation qui la colle au sol, et gravité qui nous saisit soudainement quand on passe du premier coup d'oeil sur ce joli corps de femme en robe d'été vue de dos, à ses pauvres bras et mains...
Par contre, là oui, je te suis tout à fait dans ta lecture: tu formules très bien ce qui lie, et oppose en même temps, les deux tableaux.
Et il y a encore à creuser, à partir de ce que tu as déjà vu en comparant les deux tableaux, et de ce que tu as si finement analysé sur chacun d'eux. Par exemple la proportion d'espace occupée par la terre dans Christina's world, écrasante comme peut l'être la gravité. A vérifier sur le tableau... c'est peut-être aussi une piste aussi pour la comparaison avec Wind of the sea...
Northman- Messages : 547
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Re: G Analyses de "Wind from the sea" et de "Christina's world"
Dans un message long, j'extrais nécessairement une phrase par ci par là afin de cibler ma réponse. Sans intention de détourner son sens bien évidemment. Il est impossible de répondre à tout d'un bloc, alors je choisis quelques éléments sur lesquels je pense avoir quelque chose à dire, en accord, en désaccord, ou pour compléter.Northman a écrit:
Jean-Yves, tu extrais ma phrase de son contexte, et évidemment il faut lire ce qui suit
Bien sûr, j'ai lu et j'ai compris! Au fond, c'est une question vaste et complexe, c'est pourquoi je l'ai laissée de côté. En résumé, notre culture occidentale est imprégnée de culture chrétienne, certes - et aussi riche de multiples influences extérieures. Mais peut-on, dès lors qu'un peintre reprend un élément qui a un sens défini dans cette culture chrétienne, voir dans cet élément une référence à cette culture? On retrouve là la discussion que nous avions eu sur Duchamp.... (je ne développe pas davantage, on risquerait de s'y perdre)
: "Je ne sais pas si Wyeth et/ou les Olson étaient pénétrés de culture voire de pratique chrétienne, et si oui, à quel degré"... Donc ça n'est qu'une lecture possible. Ce qui est certain, c'est qu'ils sont américains, et qu'il y a forcément un certain degré d'imprégnation de culture chrétienne dans ce pays.
Je ne vois pas rouge!! Tu peux évoquer une hypothèse, et moi te répondre que je ne la sens pas. Ou dire qu'un autre aspect de ton hypothèse me parle davantage.
Il ne faut pas voir rouge dès qu'on voit le mot "christianisme" ! On peut quand-même évoquer l'hypothèse...
Certain de rien, et certainement pas catégorique. Pas plus sur Pentecote que sur Wind from the sea.
Tu en es d'emblée certain, tu es catégorique ?
Quoiqu'il en soit, je te propose qu'on ne développe pas plus le commentaire du commentaire et qu'on se replonge plutôt dans ces deux tableaux qui nous intéressent.
Re: G Analyses de "Wind from the sea" et de "Christina's world"
Jean-Yves Amir a écrit:
Quoiqu'il en soit, je te propose qu'on ne développe pas plus le commentaire du commentaire et qu'on se replonge plutôt dans ces deux tableaux qui nous intéressent.
Oui. L'échange ci-dessus est positif et clair, et montre que nous avons suffisamment confiance l'un dans l'autre - combien d'années à nous côtoyer sur les forums ?- pour nous rentrer un peu dans le lard de temps en temps. Mais crois-moi, cela n'entame pas le grand respect et l'amitié que j'ai pour toi. Et " si tu diffères (parfois) de moi, mon frère, loin de me léser tu m'enrichis", pour reprendre Saint-Exupéry dans Terre des Hommes.
Que penses-tu de mon développement sur le mouvement de l'oiseau ? Je me suis un peu aventuré avec l'hypothèse de l'instantané, et j'aimerais avoir ton regard de pro là-dessus. Je ne voudrais pas jouer les
Dernière édition par Northman le Sam 4 Fév 2017 - 19:01, édité 1 fois
Northman- Messages : 547
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8 Wind from the sea comme métaphore de la peinture
Jean-Yves Amir a écrit:Et maintenant, je pose la question à Northman, mais aussi à toutes nos lectrices et à tous nos lecteurs:
si on synthétise les points 1, 2 et 3, à quelle idée arrivons nous?
Point 1: la trame
Point 2: matérialisation du vent et de la lumière
Point 3: les oiseaux
Si on fait la synthèse de ces éléments, en y ajoutant la structure de la fenêtre, il me semble qu'on arrive à cette idée que Wyeth peint une métaphore de la peinture. Comme si ce tableau constituait pour lui une "profession de foi", qui se dégage d'autant plus fortement dès lors qu'on la confronte à Christina's world.
Wind from the sea, en définissant la représentation picturale selon Wyeth, serait en quelque sorte Andrew's world....
Dernière édition par Jean-Yves Amir le Mer 15 Fév 2017 - 17:34, édité 1 fois
Re: G Analyses de "Wind from the sea" et de "Christina's world"
Et réciproquement.Northman a écrit:
Mais crois-moi, cela n'entame pas le grand respect et l'amitié que j'ai pour toi. Et " si tu diffères (parfois) de moi, mon frère, loin de me léser tu m'enrichis"
Nous avons des approches différentes, parfois parallèles, parfois divergentes, nous le savons. Science et art, spiritualisme et matérialisme, leur confrontation donne des choses inattendues .... Qui nous emmènent plus loin, quelque part où ni l'un ni l'autre ne serait allé seul.
Je ne sais pas encore précisément comment, mais je crois que je vais intégrer ta remarque sur l'instantané photographique dans mon histoire de métaphore de la représentation!
Que penses-tu de mon développement sur le mouvement de l'oiseau ?
Et pour ce qui concerne le croisement des deux tableaux, j'ai bien l'intention de te piquer tes observations sur la gravité!
Re: G Analyses de "Wind from the sea" et de "Christina's world"
Jean-Yves Amir a écrit:
Point 1: la trame
Point 2: matérialisation du vent et de la lumière
Point 3: les oiseaux
Reprenons ces points par ordre inversé:
Point 3: les oiseaux
Dans ses aquarelles préparatoires, Wyeth peint d'abord des oiseaux dans le paysage.
Il effectue ensuite, dans le tableau final, un déplacement de ces oiseaux sur le rideau, en les incluant dans sa broderie.
Les premiers relevaient d'un premier niveau de représentation, les seconds glissent dans la représentation de la représentation.
Si l'on voulait pousser cette "enquête" jusqu'au bout, il faudrait pouvoir se procurer le rideau qui voilait la fenêtre en 1947: je parierais qu'il n'y avait pas d'oiseaux sur ce voilage, que leur ajout est un pur artifice de la part du peintre. Mais un artifice parfaitement vraisemblable car on voit souvent ce type de représentation sur les voilages, des représentations qui coïncident avec leur statut: par exemple, un voilage dont la broderie représente des fleurs ou des feuillages qui viennent se superposer au jardin vu à travers la fenêtre.
Ce que je dis là peut sembler "savant", on observe pourtant souvent ce type de "tautologie" dans l'art populaire.
Dernière édition par Jean-Yves Amir le Mar 28 Fév 2017 - 18:15, édité 2 fois
Re: G Analyses de "Wind from the sea" et de "Christina's world"
Point 2: matérialisation du vent et de la lumière
Ce rideau qui bouge au vent, mettant en mouvement les oiseaux et les ombres portées du cadre de la fenêtre fait penser à une sorte de théâtre d'ombres.
On peut songer également à un écran de cinéma, forme moderne du théâtre d'ombres. A cet égard, les deux positions de l'oiseau en vol suggéreraient, comme l'a observé Northman, les phases d'un même mouvement.
Quoiqu'il en soit, rappelons que l'ombre est un des mythes fondateurs de la peinture, ou, plus exactement, de la représentation.
Le livre de Victor Stoichita Brève histoire de l'ombre s'ouvre sur ces citations de Pline racontant ce mythe. Extraits:
Ce rideau qui bouge au vent, mettant en mouvement les oiseaux et les ombres portées du cadre de la fenêtre fait penser à une sorte de théâtre d'ombres.
On peut songer également à un écran de cinéma, forme moderne du théâtre d'ombres. A cet égard, les deux positions de l'oiseau en vol suggéreraient, comme l'a observé Northman, les phases d'un même mouvement.
Quoiqu'il en soit, rappelons que l'ombre est un des mythes fondateurs de la peinture, ou, plus exactement, de la représentation.
Le livre de Victor Stoichita Brève histoire de l'ombre s'ouvre sur ces citations de Pline racontant ce mythe. Extraits:
Parmi les Grecs les uns disent qu'il fut découvert à Sicyone, les autres à Corinthe, mais tous affirment qu'on commença par cerner d'un trait le contour de l'ombre humaine(...). (Pline, Histoire Naturelle,XXXV,15)
Le premier ouvrage en ce genre fut fait en argile par Dibutade de Sycione, potier à Corinthe, à l'occasion d'une idée de sa fille, éprise d'un jeune homme qui allait quitter la ville: celle-ci arrêta par des lignes les contours du profil de son amant sur le mur à la lumière d'une chandelle. Son père plaqua ensuite de l'argile sur le dessin, auquel il donna du relief(...).(Pline, Histoire Naturelle,XXXV,43)
Essayons de faire le point sur les témoignages de Pline. Le fait même qu'il revienne à deux reprises, à des endroits différents de son ouvrage, sur le même mythe donne à réfléchir. Dans le premier passage, l'auteur parle de l'origine de la peinture, dans le second de celle de la sculpture. C'est donc - semble-t-il - la représentation artistique en général qui trouve son origine dans le stade primitif de l'ombre.
( Victor Stoichita Brève histoire de l'ombre, p11)
Dernière édition par Jean-Yves Amir le Mar 28 Fév 2017 - 18:15, édité 1 fois
Re: G Analyses de "Wind from the sea" et de "Christina's world"
Point 1: la trame
Comme on l'a vu précédemment, que ce soit au niveau de la macro structure du tableau ou de celui de la micro structure du rideau, le principe de la trame, du tissage, du croisement des lignes, est omniprésent dans Wind from the sea.
Cette trame est une métaphore de la toile: toile du théâtre d'ombres, toile de l'écran de cinéma, toile à peindre, toile support de toutes les projections.
Dans Wind from the sea, cette toile ne reste pas tendue sur son châssis, elle s'en détache, elle flotte au vent, elle vient vers nous spectateurs. S'y mêlent oiseaux brodés, ombres portées, paysage vu à travers elle dans le mouvement du vent.
Or justement, Wyeth décrit son propre regard de peintre comme "mobile", "flottant" ou "volant" tel un oiseau:
"I never stand in one spot when I paint a landscape. I float. I move. It's impossible for me to be photographic"
"I can't work completely out of my imagination. I must put my foot in a bit of truth; and then I can fly free.
source https://www.brainyquote.com/quotes/quotes/a/andrewwyet330775.html
Comme on l'a vu précédemment, que ce soit au niveau de la macro structure du tableau ou de celui de la micro structure du rideau, le principe de la trame, du tissage, du croisement des lignes, est omniprésent dans Wind from the sea.
Cette trame est une métaphore de la toile: toile du théâtre d'ombres, toile de l'écran de cinéma, toile à peindre, toile support de toutes les projections.
Dans Wind from the sea, cette toile ne reste pas tendue sur son châssis, elle s'en détache, elle flotte au vent, elle vient vers nous spectateurs. S'y mêlent oiseaux brodés, ombres portées, paysage vu à travers elle dans le mouvement du vent.
Or justement, Wyeth décrit son propre regard de peintre comme "mobile", "flottant" ou "volant" tel un oiseau:
"I never stand in one spot when I paint a landscape. I float. I move. It's impossible for me to be photographic"
"I can't work completely out of my imagination. I must put my foot in a bit of truth; and then I can fly free.
source https://www.brainyquote.com/quotes/quotes/a/andrewwyet330775.html
Dernière édition par Jean-Yves Amir le Mer 1 Mar 2017 - 19:05, édité 6 fois
Re: G Analyses de "Wind from the sea" et de "Christina's world"
Point 0 La fenêtre
Et pour finir, la fenêtre elle-même, qui, depuis Alberti, est une figure archétypale de la peinture occidentale.
En cherchant des éléments de compréhension de ce phénomène, je suis tombé sur ce livre que je n'ai pas lu intégralement, mais qu'on peut consulter partiellement sur google books : Fenêtre: Chroniques du regard et de l'intime de Gérard Wajcman
La réflexion de l'auteur me semble traduire très justement ce que dit Wyeth de son regard sur le monde à travers Wind from the sea.
En voici quelques extraits par capture d'écran:
En même temps que la fenêtre donne au peintre un accès au monde qui lui permet de construire son regard, elle le met en retrait de ce monde. C'est une sorte de coupure dont la prise de conscience peut-être presque douloureuse. Je pense en particulier à Intérieur, bocal de poissons rouges, de Matisse (1914), qui porte une réflexion du même ordre sur la fenêtre, la mise à distance de l'extérieur, l'atelier et son enfermement.
Et pour finir, la fenêtre elle-même, qui, depuis Alberti, est une figure archétypale de la peinture occidentale.
En cherchant des éléments de compréhension de ce phénomène, je suis tombé sur ce livre que je n'ai pas lu intégralement, mais qu'on peut consulter partiellement sur google books : Fenêtre: Chroniques du regard et de l'intime de Gérard Wajcman
La réflexion de l'auteur me semble traduire très justement ce que dit Wyeth de son regard sur le monde à travers Wind from the sea.
En voici quelques extraits par capture d'écran:
En même temps que la fenêtre donne au peintre un accès au monde qui lui permet de construire son regard, elle le met en retrait de ce monde. C'est une sorte de coupure dont la prise de conscience peut-être presque douloureuse. Je pense en particulier à Intérieur, bocal de poissons rouges, de Matisse (1914), qui porte une réflexion du même ordre sur la fenêtre, la mise à distance de l'extérieur, l'atelier et son enfermement.
Dernière édition par Jean-Yves Amir le Mer 1 Mar 2017 - 19:31, édité 7 fois
Re: G Analyses de "Wind from the sea" et de "Christina's world"
Arrive à point nommé cette découverte de Northman sur l'étymologie du mot "window", "fenêtre" en anglais, dans le sujet qu'il vient d'ouvrir sur le thème des fenêtres chez Wyeth, ici.
C'est merveilleux! J'ignore si le peintre connaissait cette étymologie mais on dirait qu'elle résume ce que je tentais de formuler ci-dessus. Wind from the sea n'est-il pas précisément cet "oeil du vent", cette "vindauga"?
Etymologiquement, le mot Window, fenêtre en anglais, est issu du vieux norrois ( ancien scandinave, c'est Northman qui vous parle Smile ) vindauga, composé de vindr, vent et de auga, oeil. Magnifique étymologie !
Source : https://en.oxforddictionaries.com/definition/window
C'est merveilleux! J'ignore si le peintre connaissait cette étymologie mais on dirait qu'elle résume ce que je tentais de formuler ci-dessus. Wind from the sea n'est-il pas précisément cet "oeil du vent", cette "vindauga"?
Dernière édition par Jean-Yves Amir le Dim 5 Mar 2017 - 15:52, édité 2 fois
Re: G Analyses de "Wind from the sea" et de "Christina's world"
L'addition et la cohérence de ces quatre points ne peut être le fruit du hasard. Ils démontrent que Wind from the sea est un tableau finement pensé et que Wyeth est un artiste très lucide sur les moyens de son art.
Il n'est pas un peintre naturaliste qui se contenterait de donner une description précise de ce qu'il voit. Bien au-delà, il construit un monde et un regard sur le monde.
Le père d'Andrew Wyeth, Newell Convers Wyeth, était un peintre illustrateur célèbre qui a donné à Andrew toute sa formation artistique. Il avait une forte personnalité dont le jeune peintre devait se dégager afin de prendre son essor. Il meurt dans un accident en octobre 1945 (voir ici Winter et la chronologie des oeuvres de cette période). Wind from the sea est peint en 1947 donc à peine un an et demi après le décès du père. La forte correspondance de ce tableau avec Christina's world tend à faire penser qu'ils ont été conçus ensemble, même si Christina's world est daté de l'année suivante.
Il est extraordinaire de constater à quel point l'intervalle entre les rideaux, qui traverse obliquement Wind from the sea correspond à la ligne de tension entre Christina et la maison en haut de la butte - et même précisément la fenêtre d'où est peint Wind from the sea !!!
Hasard, coïncidence, me dira-t-on?
Non, ce dessin préparatoire montre bien que Wyeth réfléchit à ces deux peintures en même temps et que, dans son esprit, elles se superposent.
Elles m'apparaissent donc, dans leur imbrication même, comme des oeuvres "manifestes" où Wyeth définit sa propre conception de la peinture.
Il n'est pas un peintre naturaliste qui se contenterait de donner une description précise de ce qu'il voit. Bien au-delà, il construit un monde et un regard sur le monde.
Le père d'Andrew Wyeth, Newell Convers Wyeth, était un peintre illustrateur célèbre qui a donné à Andrew toute sa formation artistique. Il avait une forte personnalité dont le jeune peintre devait se dégager afin de prendre son essor. Il meurt dans un accident en octobre 1945 (voir ici Winter et la chronologie des oeuvres de cette période). Wind from the sea est peint en 1947 donc à peine un an et demi après le décès du père. La forte correspondance de ce tableau avec Christina's world tend à faire penser qu'ils ont été conçus ensemble, même si Christina's world est daté de l'année suivante.
Il est extraordinaire de constater à quel point l'intervalle entre les rideaux, qui traverse obliquement Wind from the sea correspond à la ligne de tension entre Christina et la maison en haut de la butte - et même précisément la fenêtre d'où est peint Wind from the sea !!!
Hasard, coïncidence, me dira-t-on?
Non, ce dessin préparatoire montre bien que Wyeth réfléchit à ces deux peintures en même temps et que, dans son esprit, elles se superposent.
Elles m'apparaissent donc, dans leur imbrication même, comme des oeuvres "manifestes" où Wyeth définit sa propre conception de la peinture.
Dernière édition par Jean-Yves Amir le Mar 7 Mar 2017 - 21:14, édité 1 fois
Vindauga-Window, approfondissement linguistique
Jean-Yves Amir a écrit:
Il est extraordinaire de constater à quel point l'intervalle entre les rideaux, qui traverse obliquement Wind from the sea correspond à la ligne de tension entre Christina et la maison en haut de la butte - et même précisément la fenêtre d'où est peint Wind from the sea !!! ... Hasard, coïncidence, me dira-t-on? ...Non, ce dessin préparatoire montre bien que Wyeth réfléchit à ces deux peintures en même temps et que, dans son esprit, elles se superposent. Elles m'apparaissent donc, dans leur imbrication même, comme des oeuvres "manifestes" où Wyeth définit sa propre conception de la peinture.
Formidable !
Jean-Yves Amir a écrit: C'est merveilleux! J'ignore si le peintre connaissait cette étymologie mais on dirait qu'elle résume ce que je tentais de formuler ci-dessus. Wind from the sea n'est-il pas précisément cet "oeil du vent", cette "vindauga"?
Oui, une étymologie si imagée qui condense tout en un mot, et qui nous plonge à une époque historique où le verre n'existait pas pour la plupart des fenêtres, qui étaient donc des ouvertures par lesquelles le vent pouvait pénétrer. Tout Anglais contemporain qui prononce ou lit le mot window entend ou lit distinctement le mot wind. Consciemment ou inconsciemment il rapprochera ces deux mots. De même un Français qui prononce ou lit l'expression "oeil-de-boeuf", qui désigne une petite fenêtre ronde, ne peut manquer le rapprochement avec le mot oeil, même si cela s'écrivait d'un seul tenant, oeildeboeuf. La rondeur de l'oeil du boeuf et la petite fenêtre ronde comme un oeil de la maison*. Même si cette petite fenêtre s'appelait oeilmachintruc, le Français ne passerait pas à côté d'oeil. Par contre la compréhension de la déformation dans le temps de auga en ow, dans window, par un Anglais, résultera plutôt d'une connaissance précise.
L'étymologie du mot anglais eye, oeil, nous ramène socle germanique ancien du vieux norrois auga :
"Old English ēage, of Germanic origin; related to Dutch oog and German Auge."
Source : https://en.oxforddictionaries.com/definition/eye
Auge, auga ...
Oeil est d'ailleurs resté Auge en allemand contemporain. Mais comment était prononcé auga en vieux norrois ? La langue scandinave contemporaine restée la plus proche du vieux norrois est l'islandais. En islandais contemporain oeil est d'ailleurs resté auga. Mais sa prononciation n'a rien à voir avec celle de Auge en allemand. Tapez "dictionnaire français islandais" sur le moteur de recherche Google, puis entrez "oeil" dans la case du français. Vous obtenez ceci :
Et vous n'avez plus qu'à cliquer sur le petit symbole haut-parleur côté islandais pour obtenir la prononciation de auga. Rien à voir avec la prononciation de Auge en allemand.
Il est donc fort probable que le "auga" de vindauga se prononçât plus comme le auga islandais actuel que comme le Auge allemand, avec son "g" guttural. Et l'on comprend donc mieux la transformation dans le temps de l'ancien norrois vindauga en anglais window. Allons encore plus loin :
En norvégien contemporain on se rapproche du eye anglais. Même démarche pour la prononciation. Et le øye norvégien vient bien lui aussi du vieux norrois auga :
Du Auge germanique d'origine, avec son "gueu" guttural très prononcé, on a glissé dans le temps vers le son "yeu" en anglais, en norvégien et en danois, en passant d'abord par le auga norrois dont la prononciation devait être proche de l'islandais actuel auga, avec un "g" très atténué, beaucoup moins guttural qu'en germanique ancien et qu'en allemand contemporain. Le suédois a nettement conservé le "gueu" :
En français architectural il y a aussi le mot oculus directement dérivé de notre étymologie latine de "oeil", que l'on retrouve dans oculaire, oculiste...
Oculus du panthéon de Rome :
* Tiens, il me revient à l'instant à l'esprit une scène précise d'un film de Jacques Tati qui donne carrément vie à deux fenêtres-yeux d'une maison. Cela fait au moins douze ans que je l'ai vu pour la dernière fois. Cela vous dit quelque chose ? Je pense que c'est dans Mon Oncle...
Il faudrait retrouver cette scène amusante sur You Tube...
Dernière édition par Northman le Lun 6 Mar 2017 - 18:54, édité 3 fois
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Re: G Analyses de "Wind from the sea" et de "Christina's world"
Northman a écrit:[justify]
Je pense que c'est dans Mon Oncle...
Il faudrait retrouver cette scène amusante sur You Tube...
Oui, c'est dans Mon oncle. La maison, la nuit, évoque une tête de hibou. Dans les deux oculi on voit des ombres chinoises se découper et se déplacer comme les pupilles de deux yeux. Je vais voir si l'extrait se trouve...
Re: G Analyses de "Wind from the sea" et de "Christina's world"
Jacques (Tati) Pot, j'ai trouvé!
Ici à 1mn 13s
Ici à 1mn 13s
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